Europe in a soundbite

La définition du "Terrorisme" - partie 1/2

La définition du "Terrorisme" - partie 1/2

Le Laboratoire d’Innovation Pédagogique sur l’Europe (LIPE) propose, de manière accessible, des approches transversales de l’histoire européenne du genre, des guerres, de l’art, des circulations et des réseaux, des grandes idéologies et débats politiques.

Le LIPE vous donne rendez-vous pour la chronique Europe in a soundbite tous les jeudis à 8h sur euradio.

Que désigne le mot « terrorisme » ?

En 1933, le juriste polonais Rafael Lemkin écrivait : « le terrorisme ne constitue pas une notion juridique : terrorisme, terroristes, actes de terrorisme, ce sont des expressions employées dans la langue courante et dans la presse pour définir un état d'esprit spécial chez les délinquants qui en outre réalisent encore de par leurs actions des délits particuliers. […] le terrorisme ne présente pas de conception uniforme, mais embrasse une quantité d'actes criminels différents. ». ¹

Il met ici l’accent sur un problème essentiel dès lors que l’on parle de terrorisme : celui de la définition. 

Quelle est l’histoire du mot « terrorisme » ?

Il apparaît dans les dictionnaires à la fin XVIIIème siècle. Il est d’abord associé à la politique menée par Robespierre, donc défini comme un mode de gouvernement. 

Ce n’est qu’ensuite qu’il sera utilisé, au contraire, pour qualifier ceux qui attaquent l’État. Il est utilisé en 1866 pour désigner les Irlandais, et dans le Larousse de 1876 pour caractériser les actions des Polonais, terrorisme donc nationalistes et indépendantistes dans ces deux cas.

D’emblée on voit se dessiner les grands problèmes qui pèsent toujours aujourd’hui sur la définition du mot :

  • L’évolution du sens, d’action de l’État à action contre l’État…
  • La grande diversité qui existe parmi les organisations qualifiées de « terroristes » et parmi les contextes dans lesquels elles ont opéré : diversité idéologique, géographique, sociale, organisationnelle.

Quel est le point commun à ces organisations qualifiées de « terroristes » ? / ou  / Pourquoi est-ce difficile de définir le « terrorisme » ?

Malgré les évolutions du sens et la diversité de ses occurrences, le mot garde, sauf exception, une connotation négative. Ce sont les opposants de Robespierre qui le caractérisent ainsi. Et de fait, une constante est que le discours terroriste prend ses distances avec le mot. Le terroriste se définit, en fonction des périodes et des lieux, comme un combattant, un soldat, un révolutionnaire, un guérillero, un martyr, un jihadiste, etc., mais rarement comme un terroriste.

Autre difficulté : l’acte terroriste n’est pas la seule modalité d’action utilisée : elle s’articule à d’autres actions, économiques, politiques et militaires. 

Enfin, et c’est peut-être l’essentiel, l’absence de définition juridique universelle, qui a permis, depuis le XIXe siècle, une instrumentalisation de l’expression, souvent utilisée par des régimes non démocratiques pour justifier la répression contre leurs opposants. Ces incertitudes ont entraîné, au moins jusqu’à une époque récente, des formes de suspicion quant à la pertinence du terme.

Existe-t-il une définition internationale du mot « terrorisme » ?

Les organisations internationales ont essayé de définir le terrorisme : en 1898, après l’assassinat d’Elisabeth d’Autriche, les Etats européens tentent pour la première fois de le faire face aux attentats anarchistes. Sans succès. La Russie et l’Allemagne tentent d’utiliser l’occasion pour abattre leurs opposants politiques. Les pays libéraux s’y opposent et défendent le droit d’asile politique. La question de la définition s’accentue dans les années qui suivent, lorsque, parallèlement au terrorisme anarchiste se développe un terrorisme nationaliste/indépendantiste (Rappelons que La Fédération révolutionnaire arménienne est créée en 1890, l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne en 1893…).

Ce type de terrorisme ne peut s’appréhender alors indépendamment de la notion de « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Et plus encore que dans le cas des anarchistes, l’instrumentalisation par les États est patente. Observant avec intérêt l’affaiblissement de l’Empire ottoman, la Russie et l’Autriche-Hongrie, qui en convoitent les territoires, encouragent le réveil des nationalités, ce qui conduit assez vite à faciliter et aggraver le terrorisme, plutôt qu’à le contenir. La première guerre mondiale marque une étape dans la réflexion internationale sur cette question. Elle est déclenchée, ne l’oublions pas, par un attentat, celui de Sarajevo. L’Entre-deux-guerres voit du coup la réflexion relancée autour de la question.

Plusieurs tentatives de définition se succèdent. Après l’attentat de Marseille, où Louis Barthou et le roi Alexandre de Yougoslavie sont tués le 9 octobre 1934, c’est la SDN qui s’y attèle. On voit alors apparaître ce qui restera dominant au sein des organisations internationales : l’élaboration de listes. Liste des actions terroristes (assassinat, prise d’otage, sabotage, etc.). Liste d’organisations terroristes. Liste de personnes liées à des organisations terroristes. Etc. Des listes, c’est ce que l’ONU continuera de faire, faute de pouvoir établir une définition commune, butant sur le cas palestinien.

¹ LEMKIN, Rafaël, Les Actes constituant un danger général (interétatique) considérés comme délits de droit de gens. A : le Problème du terrorisme. B : Persécution des collectivités de race, de confession ou sociales (actes de barbarie). C : Destruction des œuvres d'art et de culture (vandalisme). D : Provocation des catastrophes et interruption intentionnelle de la comunication ["sic"] internationale. E : Propagation des contaminations. Rapport spécial présenté à la cinquième Conférence pour l'unification du droit pénal à Madrid (14-20 déc. 1933), explications additionnelles, Paris, A. Pedone, 1934, 8 p.

Europe in a Soundbite sur « La définition du terrorisme » a été conçu à partir d’un texte original de Jenny Raflik Grenouilleau.