Europe in a soundbite

La police aux frontières françaises et la création de l’espace Schengen - Europe in a soundbite

La police aux frontières françaises et la création de l’espace Schengen - Europe in a soundbite

Le Laboratoire d’Innovation Pédagogique sur l’Europe (LIPE) propose, de manière accessible, des approches transversales de l’histoire européenne du genre, des guerres, de l’art, des circulations et des réseaux, des grandes idéologies et débats politiques.

Le LIPE vous donne rendez-vous pour la chronique Europe in a soundbite tous les jeudis à 8h sur euradio.

Quand la « Police aux frontières » a-t-elle été créée ?

La Police de l’air, des frontières et des chemins de fer est créée en 1952 au sein des Renseignements généraux (RG). Elle change d’appellation à de nombreuses reprises, et sera donc désignée ici sous le nom de « Police aux frontières » (PAF) son nom actuel.

Quelles sont les activités de la PAF et comment ont-elles évoluées ?

À l’origine, la PAF est avant tout une police administrative et de renseignement. Elle concentre ses tâches de renseignement sur les activités politiques des passagers et les mobilisations sociales dans les ports, les aéroports et les gares internationaux. Au cours des années 1950 et 1960, c’est autour de son implantation aux limites du territoire national qu’émerge progressivement son identité spécifique. Le contrôle aux postes-frontières donne aux agents un accès privilégié aux informations des voyageurs, puisque ceux-ci sont tenus de présenter leur document d’identité pour franchir la frontière. Les tâches effectuées consistent alors principalement à mobiliser et alimenter les fichiers centraux de police, notamment concernant les personnes recherchées et les « récidivistes ».

Au milieu des années 1970, période marquée par un tournant dans les politiques d’immigration puisqu’en 1972 puis en 1974, le gouvernement restreint fortement les possibilités d’immigration légale, les objectifs et les tâches de la PAF sont orientés vers le contrôle de l’immigration aux frontières, grâce à un renforcement de ses effectifs, des moyens matériels et une transformation de ses prérogatives. L’identité professionnelle de la PAF en est transformée.

Désormais, les policiers sont responsables de l’identification des étrangers qui, se présentant comme touristes, souhaitent en réalité immigrer en France pour s’y installer et travailler. En 1974, la PAF devient une direction centrale, autonome des Renseignements généraux.

Au cours des années 1980, les agents de la PAF sont affectés à une nouvelle tâche : la surveillance des lieux d’enfermement pour les étrangers en attente de leur expulsion. D’abord informels, ces lieux sont officialisés en 1981 avec la création des centres de rétention administrative. Dans les années 1990, d’autres lieux d’enfermement sont créés aux frontières, notamment aéroportuaires. La création de tels lieux conduit à une diversification des tâches de la PAF, même si d’autres corps de sécurité assurent eux aussi la garde de certains centres de rétention.

Comment le contrôle des frontières a été réorganisé à la création de la libre circulation des personnes instaurée par l’espace Schengen ?

L’accord de Schengen (en 1985), mais surtout la convention Schengen (en 1990) entre la France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas instaurent la suppression des contrôles systématiques entre deux États membres de l’espace Schengen.

L’implication des fonctionnaires des ministères de l’Intérieur et de la Justice dans les négociations de la convention de Schengen ont contribué à associer les questions de sécurité et d’immigration au niveau européen. La hiérarchie de la PAF y joue un rôle et participe donc à la définition des conditions d’une levée des contrôles aux frontières internes du territoire européen. Mais elle s’engage également dans une réorganisation d’ampleur de la PAF. Trois dimensions principales peuvent être identifiées.

Premièrement, aux frontières internes, la PAF assure une continuité des contrôles malgré la fermeture d’un grand nombre de postes-frontières. Désormais dans la « zone Schengen », délimitée par une ligne tracée à 20 km de la frontière physique, les règles qui s’appliquent au contrôle d’identité sur le territoire national sont modifiées : les policiers peuvent mener des contrôles sans avoir à en justifier les raisons. Par ailleurs des accords bilatéraux signés entre États frontaliers membres de Schengen prévoient des clauses de réadmission. Dans ce cadre, les policiers de la PAF peuvent expulser vers les pays voisins des personnes qu’ils ont contrôlées en situation irrégulière.

Deuxièmement, la PAF réoriente ses activités à l’intérieur du territoire national. De manière symbolique, entre 1994 et 1999, le service de la PAF change de nom et devient la DICCILEC — Direction centrale du contrôle de l’immigration et de la lutte contre l’emploi de clandestins. Le terme de « frontière » disparaît, le service est tout entier dédié à la lutte contre l’immigration irrégulière. De nouveaux services sont créés à l’intérieur du territoire dans des départements où réside une importante population étrangère. Les agents qui en dépendent mènent des enquêtes de type judiciaire et concentrent leur effort sur la lutte contre les organisations criminelles qui facilitent l’immigration : les passeurs, les fabricants de faux passeports (et autres documents d’identité) et les employeurs de travailleurs en situation irrégulière.

Troisièmement, la PAF renforce les contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne à la fois sur son territoire (principalement dans les aéroports) mais également aux frontières de l’espace Schengen dans les autres États membres. Elle participe ainsi à la structuration et aux activités quotidiennes de la coopération européenne en la matière. Dans la continuité, l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, Frontex est créée en 2004. Cette agence dépêche aux frontières extérieures européennes dites « à risque » des agents des polices des frontières nationales (dont la PAF) qu’elle a présélectionnés et qui lui sont affectés pour de courtes périodes. Cette coopération implique les États voisins (Maroc, Mauritanie, etc.). Parallèlement, un ensemble d’instruments sont développés reflétant une conception du contrôle frontalier fondée sur la prévention et le management du risque migratoire, notamment via le développement de nouvelles technologies d’identification (biométrie) et la multiplication des fichiers de données. Le contrôle frontalier est également délégué à des acteurs privés et principalement aux compagnies transport via la création de sanctions à leur encontre s’ils transportent des personnes en situation irrégulière. 

« Aujourd’hui « Europe in soundbite » sur « La police aux frontières françaises et la création de l’espace Schengen » a été conçu à partir de la notice de Sara CASELLA COLOMBEAU. Interprété par Virginie Chaillou-Atrous. ».