La semainière de Quentin Dickinson

Des alliances stratégiques - Quentin Dickinson

Des alliances stratégiques - Quentin Dickinson

Alors, avez-vous passé une bonne semaine ?

Bonne, je ne sais pas, fortement occupée, certainement – et même, bien au-delà du redémarrage généralement poussif des institutions européennes en début d’année.

Vous voulez commencer par quoi ?

Compte tenu du volume de l’actualité, je renonce exceptionnellement à y établir un ordre d’importance ; mon compte-rendu est donc simplement chronologique.

Commençons par la surprise glaciale réservée aux vingt-sept commissaires européens par la présidence tournante suédoise du Conseil de l’UE : une réunion à KIRUNA, charmante bourgade minière située largement au nord du Cercle polaire arctique (et où il fait jusqu’à -20 en cette saison). Je note au passage que l’hôtel retenu propose à ses clients de passer la nuit sur un lit de glace (on ne sait pas combien de commissaires ont choisi cette formule). En réunion (dans une salle chauffée, quand même), les Bruxellois et leurs hôtes suédois ont principalement discuté de la riposte à apporter aux soutiens massifs des États-Unis à leurs propres industries et aux appels du pied aux entreprises européennes à investir Outre-Atlantique, au détriment des marchés financiers des pays de l’UE.

Toujours à KIRUNA, les Vingt-sept y ont inauguré le premier centre spatial en Europe qui permette le lancement de fusées, jusqu’ici tributaire du pas de tir de KOUROU, en Guyane.

Ensuite ?

Ensuite, deux des trois pays hyper-spécialisés dans la fabrication de machines à débiter les puces électroniques les plus avancées, le Japon et les Pays-Bas, font l’objet de fortes pressions de la part du troisième, les États-Unis (encore eux) pour arrêter leurs exportations vers la Chine. Tout le débat consiste à savoir à partir de quand on brade ses compétences à un sérieux concurrent. La HAYE fait de la résistance.

Autre chose : l’UE et l’OTAN, souvent présentées comme rivales, ont utilement convergé depuis le début de la guerre en Ukraine ; et elles viennent de publier une déclaration commune où l’on devine un rapprochement des objectifs et du calendrier du Concept stratégique de l’OTAN avec ceux du Compas stratégique des Européens. Pour mémoire, des vingt-sept pays de l’UE, vingt-et-un sont membres de l’OTAN, sans compter la Finlande et la Suède, qui y sont candidates.

Allons maintenant au Brexit, on ne s’en lasse pas. Pour la toute première fois, on constate une timide éclaircie sur le casse-tête du Protocole nord-irlandais : l’UE accepte désormais la validité des données douanières britanniques sur les marchandises exportées de Grande-Bretagne vers l’Irlande du Nord. C’est un geste, mais LONDRES s’entête toujours à rejeter la compétence de la Cour de Justice européenne de LUXEMBOURG, ligne rouge pour l’UE. Personne ne peut prédire si cette considérable pierre d’achoppement dans les relations entre l’UE et LONDRES pourra être déblayée avant le 10 avril, vingt-cinquième anniversaire des Accords du Vendredi-saint, qui ont mis fin à la guerre civile en Irlande du Nord.

Et vos cinq derniers repères de la semaine ?

Allons-y : un, le p.d.g. du réseau social TIK-TOK est arrivé de Chine, quelque peu convoqué par la Commission européenne, qui a voulu l’entendre sur la protection des mineurs d’âge, sur la lutte contre le terrorisme, et sur la transmission de données personnelles de citoyens européens vers la Chine.

Deux, l’infatigable Commissaire européen Thierry BRETON a entamé un tour d’Europe des capitales, afin d’inciter les gouvernements de l’UE à soutenir son initiative favorable aux subventions des entreprises technologiques en pointe dans la réduction de leur consommation d’énergie et de leurs émissions polluantes.

Trois, c’est toujours le flou quant aux modifications exigées par l’UE de la Pologne dans ses lois sur la magistrature, en violation des principes de l’état de droit. VARSOVIE joue la montre, et la Commission européenne met une sourdine à ses critiques, pourtant parfaitement fondées, compte tenu de l’engagement exemplaire des Polonais dans le soutien à l’Ukraine.

Quatre, les résultats du premier tour de l’élection présidentielle en République tchèque mettent au coude-à-coude le Premier ministre actuel, Andrej BABIŠ (à 34,99 %) et son adversaire, le très populaire Général Petr PAVEL, ancien Président du Comité militaire de l’OTAN (à 35,40 %). Ici à BXL, pas de mystère : c’est la victoire de ce dernier qui est souhaitée. Réponse au second tour, les 27 et 28 janvier.

Et enfin, cinq, vous vouliez certainement des nouvelles du scandale du Qatargate au Parlement européen. Les voici : le Groupe parlementaire des Socialistes et Démocrates, dont relève tous les suspects dans cette affaire de corruption, a finalement décidé de reporter sine die sa soirée festive de nouvel an, dont – en plus – la date tombait le premier anniversaire de la mort subite du précédent Président du Parlement européen, David SASSOLI. J’ajoute qu’heureusement, ils avaient oublié de m’y inviter.

Il ne nous reste plus beaucoup de temps pour évoquer les repères de cette semaine…

Alors, faisons court : toujours le Brexit : le Commissaire européen chargé du dossier, Maroš ŠEFČOVIČ, successeur de Michel BARNIER, est à LONDRES.

Les vingt-sept ministres de l’Économie et des Finances se réunissent, notamment sur l’aide à l’Ukraine, après une réunion de l’Eurogroupe, où siègent ceux d’entre eux dont le pays est membre de la zone Euro.

Le Parlement européen siège en session plénière jusqu’à jeudi soir à STRASBOURG.

Et, jusqu’au 20 janvier, le Forum économique mondial se tient à DAVOS, avec cette année, la présence de pas moins de dix commissaires européens, dont leur présidente, Ursula von der LEYEN. Là non plus, moi, je n’ai pas été invité. Décidément…

Entretien réalisé par Cécile Dauguet.