La France a t-elle oublié les migrants ?

 La France a t-elle oublié les migrants ?

La grande jungle a peut-être été démantelée en 2016, mais aujourd'hui les associations estiment que 1 800 migrants sont toujours coincés entre Calais et Grande Synthe. Les bénévoles sur le terrain s'inquiètent pour la santé des exilés pendant la crise du coronavirus, la plupart d'entre eux vivant toujours en extérieur. Léah Njeim membre de Utopia56, l'une des rares associations toujours présentes à Calais durant cette crise, partage avec nous son point de vue sur la situation.

On se retrouve à presque un mois de confinement. Mais entre Calais et Grande Synthe, près de deux mille migrants sont toujours dehors, abandonnés dans les camps et dans les rues. Les conditions sanitaires sont épouvantables. Deux personnes ont déjà été hospitalisées à cause du Covid-19, mais Léah Njeim, membre de l’association Utopia56, suggère que le nombre de cas est probablement beaucoup plus élevé : 

"Le problème, c'est que pour l'instant, à Calais, il n'y a plus de moyen pour charger les téléphones. Il y a beaucoup de gens qui ne peuvent plus nous appeler, ou qui ne peuvent pas appeler une ambulance. Donc il y a peut-être plus de cas dont on n'est pas au courant. Il y a aussi peut-être des gens qui sont asymptomatiques, ou des gens qui ont des symptômes modérés, et donc qui ne se rendent pas forcement compte de ce que c'est.

Aucune information officielle n'a été donnée avec des moyens adaptés et dans les différentes langues des exilés. Ni l'accès à l'eau, ni au savon, n'est garanti. Les gens vivent dans des conditions sanitaires horribles. La situation était déjà très précaire. Avec l'arrivée du Covid, on voit qu'elle ne tient plus debout du tout : le château de cartes s'écroule."

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Ce robinet de l'un des camps est le seul point d'eau en accès libre pour plus de 1 000 migrants. Même dans le camp en question, pour certains, il faut faire plus d'un quart d'heure de marche pour y accéder.

Le soir, Utopia56 sort en maraude. Les bénévoles accompagnent les nouveaux arrivants, et distribuent des repas aux SDF. Normalement, ils s'arrêtent et discutent avec les migrants, mais avec le coronavirus, les services de toutes les associations à Calais sont réduits au minimum. On attend donc l’intervention du gouvernement.

Édouard Philippe a déclaré le mois dernier que personne ne pourra accuser le gouvernement français d’avoir pris des mesures contre le Covid-19 avec “du retard”. Mais selon Léah, la mise en œuvre du soutien pour les exilés est très lente :

"Rien n'a été fait jusqu'à la semaine dernière, où une mise à l'abri a été organisée. Mais c'est très lent. On estime qu'au maximum, 170 personnes ont été mises a l'abri. Donc sur 1 800, au bout d'un mois et demi, ce n'est pas beaucoup. On a eu quelques retours des gens dans ces établissements : ils nous ont dit qu'ils étaient quatre par chambre, et que la nourriture n'était pas bonne."

En plus, à un moment où l'on nous dit de rester à la maison, la ville semble-t-il continue toujours d’expulser des migrants des camps. Le préfet, qui a décidé d'imposer un couvre-feu aux associations, leur a donc interdit d'observer ce qui se passe. Et les bénévoles comme Léah ne sont pas à l'abri des sanctions policières :

"Pour l'instant, on a pris six amendes depuis le début du confinement. C'est très discrétionnaire, parce qu'ils y a certaines compagnies qui nous ont contrôlé et qui n'ont pas eu de problème avec ce que l'on faisait. Mais, il y en a d'autres qui ont jugé que les personnes que l'on aidait, n'étaient pas vulnérables, ou que nos attestations n'étaient pas valables."

Pas dissuadées, les associations comme Utopia56 continuent à garder les yeux grands ouverts sur la situation des migrants à Calais et dans les autres villes. Mais en dehors du travail de ces quelques bénévoles, les migrants à travers l'Europe semblent être les grands oubliés de la crise du coronavirus.

En Grèce, l'épidémie de coronavirus dans deux établissements près d'Athènes a intensifié les inquiétudes concernant les 36 000 hommes, femmes et enfants bloqués sur les îles en face de la côte turque. Une pression croissante se fait ressentir pour que les pays de l'UE prennent des mesures pour un hébergement équitable des réfugiés pendant cette pandémie. 

Et si vous voulez, vous pouvez soutenir le travail d'Utopia56 ici :
https://www.helloasso.com/associations/utopia56/collectes/soutien-aux-maraudes-d-utopia-56-calais-covid-19