Confinement : quelles conséquences sur les employés à domicile ?

 Confinement : quelles conséquences sur les employés à domicile ?

Dans cette interview, Laurence Bozon-Weber, responsable du développement inter-régional Nord-Est pour la fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM), répond à nos questions sur la situations des employés à domicile qui subissent de plein fouet la crise liée à la situation sanitaire et aux mesures de confinement.

Nous sommes en compagnie de Laurence Bozon-WEBER, responsable  du développement inter-régional Nord-Est pour (FEPEM) la fédération des particuliers employeurs de France, bonjour ! 

Bonjour. 

Vous êtes avec nous aujourd’hui sur Euradio pour parler de l’emploi à domicile, et du dispositif CESU - pour chèque emploi service universel, dispositif qui permet de rémunérer les travailleurs du secteur des services à la personne (ménage, garde d’enfant, auxiliaire de vie…).

Laurence, est-ce qu’on peut expliquer un petit plus longuement ce qu’est le CESU ? 

La Fédération des particuliers employeurs (FEPEM) représente en fait tous les particuliers employeurs qui ont un salarié à leur domicile, que ce soit un employé familial, un assistant maternel, ou un auxiliaire de vie. On est là sur ce qu'on appelle de l'emploi direct c'est-à-dire que l'employeur embauche directement son salarié sans passer par un service ou une association prestataire. Le chèque emploi service universel (CESU) existe depuis je crois 1994, et c'est tout simplement la façon de déclarer les heures effectuées au domicile de l'employeur. Le CESU concerne ainsi les heures chez le particulier-employeur. Alors que pages/emploi est le site de déclarations qui concernent les assistantes maternelles.

Ce dispositif facilite la déclaration, c'est vraiment une procédure simplifiée, qui permet de déclarer les heures effectuées.

Alors justement est-ce qu'on pourrait rappeler à nos auditeurs, comment fonctionne cette déclaration simplifiée ?

Si vous êtes équipés d'une connexion Internet vous allez tout simplement sur le site de l'URSAFF qui vous permet de déclarer vos salariés et éviter ainsi de faire du travail au noir - ou au gris ! Il faut donc pour cela inscrire le salarié qui intervient à domicile et renseigner différentes informations (adresses, numéro de sécurité sociale...), vous inscrivez le nombre d'heures, le salaire net de la personne que vous rémunérez, et ensuite, les dispositifs CESU et pages emploi s'occupent de tout (bulletins de salaires, montant des cotisations...). Vous n'avez plus rien à faire !

C'est un dispositif qui encourage la déclaration des heures, alors même que beaucoup de gens encore aujourd'hui ne déclarent pas leurs employés à domicile, bien souvent d'ailleurs, par méconnaissance. Les employeurs pensent que ça va être compliqué. Bien au contraire.

Ce qu'il faut retenir aussi c'est que la prestation revient moins cher à l'employeur à partir du moment où il déclare son employé - grâce au crédit d'impôt notamment.

Enfin, déclarer son employé permet une double protection : pour l'employeur en cas d'accident, mais aussi et surtout pour l'employé qui peut donc cotiser pour le chômage, la sécurité sociale, la retraite.

Combien de Français ont recours à ce dispositif ?

On est un secteur assez peu connu mais nous représentons beaucoup de personnes : on dénombre 3, 4 millions de particuliers employeurs et 1, 4 millions de salariés. En Grand-Est, 10% des ménages ont recours à l'emploi à domicile entre particuliers - assistantes maternelles, garde d'enfants à domicile, entretien du cadre de vie, auxiliaires de vie pour les personnes en perte d'autonomie, vieillissantes, et handicapées. Dans la Région, cela représente donc près de 232 000 particuliers employeurs et quasiment 100 000 salariés, ce qui représente 547 millions d'euros.

Est-ce qu'un tel dispositif existe ailleurs en Europe ?

En fait, il n'y a pas vraiment d'équivalent CESU tel que le notre, à part au Luxembourg. La FEPEM avec ses partenaires européens a fondé en 2012 une fédération qui s'appelle la Fédération européenne des emplois et de la famille, et on essaye justement de promouvoir ce dispositif de modèle déclaré à échelle européenne. Environ 18 millions de travailleurs domestiques sont recensés dans l'UE dont 10 millions ne sont pas déclarés. Qui est touché dans cette population? Principalement les femmes, qui du coup ne bénéficient pas des droits sociaux et de conditions de travail décentes. On essaye à notre niveau de faire un travail pour vraiment faire reconnaître ce secteur d'emploi, rassembler tous les décideurs, et donner accès à la professionnalisation. Le secteur de l'aide à la personne est souvent mal promu, mal considéré, mais on peut le professionnaliser, on peut monter en compétence. Il y a des outils pour cela et on en fait la promotion au niveau européen.

Quelle est la situation des travailleurs à domicile, devant se rendre chez leurs employeurs, pendant cette période de confinement ? Quel dispositif est mis en place pour que leur rémunération puisse être effective?

Effectivement, cette crise touche tout le monde bien entendu, mais notre secteur de plein fouet, puisque chacun reste confiné chez soi. Le risque est de rompre la relation de travail qui existe entre l'employeur et le salarié - qu'il soit employé familial, assistant maternel... Et vraiment, ce risque a été très vite identifié et on s'est démené pour le faire reconnaître au niveau des différents ministères de façon à ce qu'il soit pris en compte. Il y a des choses qui sont assez logiques, c'est-à-dire que chacun doit rester confiné et faire attention à sa santé - et l'employeur, et le salarié - et il y a donc des choses dont on peut, dans ce contexte, se passer. Quelqu'un qui vient faire des heures de ménage, on peut considérer que le temps du confinement, on ne va pas se mettre en risque ni mettre en risque le salarié. Je parlerai de ce cas un peu plus loin. Il y a effectivement quelque chose qui s'est mis en place au niveau de la reconnaissance du droit au chômage partiel pour notre secteur. Après, on a des personnes qui sont fragiles, à domicile. On a des personnes qui ont besoin de leur assistante de vie, tout les jours, pour venir les aider à se lever, à faire le repas, etc. Là, il est prévu que ces salariés puissent se rendre au domicile des particuliers-employeurs. Mais nous, ce qu'on dit c'est attention : il ne faut pas rompre la relation de travail et justement, on bénéficie comme d'autres secteurs du droit au chômage partiel.

Il y a plusieurs cas de figure. Comme je le disais, en priorité les personnes les plus fragiles, mais il y a aussi des assistantes maternelles qui vont garder les enfants des employeurs qui sont dans le milieu hospitalier ou dans les commerces par exemple, et qui eux ont besoin que l'on garde leurs enfants. Soit votre salarié est malade, dans ce cas, il doit se déclarer en arrêt maladie, et pour cela toute les formalités sont simplifiées sur Ameli. Pour le chômage partiel, l'ordonnance est parue depuis peu. Elle invite le particulier-employeur à déclarer les heures pour le mois de mars sur le site du CESU ou de page/emploi - comme d'habitude - sauf qu'il va y trouver un dispositif où il va pouvoir déclarer les heures avec une reconnaissance de 80% en chômage partiel pour le salarié. Donc le salarié va être rémunéré à hauteur minimum de 80%, et pour les 20% restant, on invite le particulier-employeur à faire le complément si c'est possible pour lui - ce n'est pas une obligation - et à déclarer la totalité des heures, même si elles n'ont pas été effectuées à cause du confinement.

Comment se protègent les personnels qui continuent d'intervenir au domicile de leurs employeurs, notamment auprès des personnes âgées qui ont besoin d'un maintient à domicile ?

C'est un sujet qui est vite arrivé, car on sait très bien qu'il y a une pénurie de masques et que du coup, en priorité, ça a été bien sûr les personnels des milieux hospitaliers et les EHPAD, puis des services à domicile en général, notamment tout ce qui est sanitaire - les infirmières, etc. - qui ont été dotés. Mais les salariés du particulier-employeur qui interviennent auprès de personnes fragiles - personne en situation de handicap ou personne en dépendance - ont vraiment besoin eux-aussi de protéger les personnes dans les domiciles dans lesquels ils interviennent et de se protéger eux-mêmes.

On a essayé d'alerter sur la pénurie de masque, et la nécessité de donner des masques pour ces employés là. Un arrêté a été publié le 24 mars indiquant qu'il y a des boîtes de masques de protection issues du stock national qui peuvent être distribuées gratuitement dans les pharmacies aux aides à domiciles employés directement par les bénéficiaires.

Donc, ça y est - ouf ! - on a quand même cet arrêté qui a été publié. Après, il y a aussi des initiatives qui sont prises par les départements notamment. J'invite les salariés ou les employeurs qui reçoivent des salariés à leur domicile qui seraient dans cette situation, à aller dans les pharmacies avec un bulletin de salaire ou une attestation d'employeur. Si le pharmacien refuse, ces personnes peuvent s'orienter vers les conseils départementaux qui vont leur indiquer ou elles peuvent obtenir des masques. Mais je rappelle qu'on est bien sur des auxiliaires de vie qui interviennent auprès de personnes âgées en perte d'autonomie ou auprès de personnes handicapées.

Sur quelles ressources pouvons-nous nous renseigner un peu plus sur ce sujet ?

Que ce soit en direction des particuliers-employeurs ou des salariés, s'il y a des questions, vous pouvez aller sur notre foire au questions qui est mise à jour tous les jours par nos juristes. Il y a aussi pour les personnes qui ne sont pas équipées d'Internet un numéro de téléphone qui est le 09 70 51 50 50 - la ligne est assez chargée, on s'excuse à l'avance si on ne peut pas vous répondre tout de suite. On essaye dans ce contexte de faire notre possible, à notre niveau, pour informer les particuliers-employeurs et les salariés de ce qui peut être mis en place.