"L'idée de relancer l'Europe avec un 'Green new deal' avance"

 "L'idée de relancer l'Europe avec un 'Green new deal' avance"

Depuis 2017, elles sillonnent le continent pour mener à bien Toi d'Europe, un projet qui consiste à rencontrer et à faire témoigner de jeunes Européens, notamment autour de leurs attentes. Mathilde et Sophie Hériaud sont sœurs, elles sont toutes les deux nos invitées.

Pour commencer, pourriez-vous nous rappeler la genèse et le principe de Toi d'Europe ?

"On s'est lancée en 2017 dans ce projet, qui était d'aller interviewer les jeunes de l'Union européenne, pour comprendre ce qu'ils pensaient de l'Union, quelles étaient leurs attentes pour le futur et comment ils imaginaient l'Europe de demain. On est parti pendant plusieurs jours, sur deux ans, à la rencontre de ces jeunes, un peu partout, dans 23 pays, en leur posant toujours les mêmes questions.

On a récolté tous ces témoignages et on en a fait une série de vidéos sur YouTube, une par pays, pour expliquer à chaque fois qu’est ce que les jeunes pensent de l'UE. Mais aussi développer des problématiques différentes d'un pays à l'autre. Par exemple, la Croatie, le dernier pays à être entré, l'Espagne avec la crise de la Catalogne, etc. On a fini l'an dernier par produire un documentaire de 52 minutes qui prend vraiment en compte ce que les jeunes pensent et imaginent du futur de l'UE.

Le documentaire a été présenté l'an dernier dans plus de 80 villes européennes. On a commencé en février 2019 et pendant toute l'année on a été au contact des personnes, des citoyens européens, que ce soit en Roumanie, en France, en Allemagne, en Angleterre.

On est parti le présenter dans des établissements scolaires, dans des prisons, pour échanger aussi avec des gens parfois délaissés par la question européenne. On est allé dans des bars, des cafés, des associations, etc. Toujours pour présenter l'UE d'une façon différente et échanger sur cette question avec les citoyens."

Dans le contexte actuel, le projet prend une nouvelle tournure. Comment avez-vous repris avec le confinement ?

"On n'avait pas tout à fait fini. L'intérêt de l'an dernier, c'était d'aller le présenter. Mais on s'orientait vers une vraie deuxième partie de projet, basée sur la discussion. On a toujours gardé une demi-heure de questions après les projections, qui est souvent devenue une, voire deux heures, de discussion avec des échanges sur leurs propres visions de l'UE. C'était vraiment une deuxième partie à part entière et là on allait continuer de le faire, notamment en mai, le mois de la Fête de l'Europe. Cela a avait été bien porté l'an dernier avec les élections européennes, mais c'est aussi important de pouvoir dire que l'UE ce n'est pas que des élections, il y a des choses à faire.

On avait beaucoup de projections organisées pour continuer le débat. Maintenant, avec la crise du Covid, on n'a pas pu continuer. Mais depuis un moment, on se disait qu'il faudrait faire quelque chose avec le confinement, prendre le temps de retravailler nos vidéos. À force de porter le projet, on a eu envie d'en mener un nouveau."

Aujourd'hui, vous le poursuivez par visio. Comment faites-vous, en recontactant vos témoins, en en contactant de nouveaux ? Qu'est-ce que le confinement implique dans la poursuite du projet ?

"Alors justement, on a décidé de reprendre contact avec tous les jeunes, y compris certains qui avaient contribué à des témoignages pour nos articles. On avait touché de nouveaux publics. On a choisi de recontacter tout le monde en plus de nouvelles personnes, avec des messages sur les réseaux sociaux, pour toucher un maximum de personnes. On en a plus d'une centaine, on a fait plus de 40 interviews. Maintenant, on va faire une vidéo par pays, avec à chaque fois plusieurs jeunes citoyens européens qui nous parlent de leur façon de vivre la crise du Covid. On fait un deuxième tour d’Europe, mais cette fois confiné, sur Skype. Et cela marche assez bien.

On avait contacté pas mal de gens sur place, quand on faisait le tour de l'Europe, pour le documentaire, mais on ne passait qu'une journée, surtout dans les capitales. Là on est beaucoup plus libres, sans contrainte de temps, y compris pour les gens que l'on interviewe. On n'a pas non plus de contrainte géographique. On peut passer de Chypre à la Bulgarie dans la journée. Grâce à internet, on n'a pas de limite. On peut couvrir un spectre géographique le plus large possible.

On a quelques petits problèmes avec le décalage horaire, en particlier pour s'organiser avec les pays du nord. Cette contrainte n'existait pas quand on allait sur place."

On est dans un contexte où se pose la question des replis nationaux. Est-ce que vous le ressentez dans vos nouveaux témoignages par rapport aux anciens ?

"C'est amusant de recontacter ceux que l'on avait eus il y a deux ou trois ans pour voir ce que cette crise modifie de leur perception de l'UE. Certains étaient très optimistes il y a trois ans et le sont un peu moins, parce que la crise, les retombées économiques, la montée des nationalismes, leur fait craindre un mauvais tournant pour l'UE. Cela remet pas mal de choses en perspectives. Des choses que l'on pouvait souhaiter il y a deux ans sont remises en cause par la crise, qui nous fait revoir nos priorités.

On voit émerger l'idée de relancer l’Europe avec un 'Green new deal'. On nous en parlait déjà il y a deux ans, et cela fait partie des idées de pas mal de politiques aujourd'hui. Là-dessus, on avait pris un peu d'avance sur le discours actuel et les conséquences de la crise.

Pas mal de gens sont tout de même très inquiets. L'idée revient qu'il ne faudra pas chercher de coupable après cette crise, un pays qui aurait moins bien agi, serait plus responsable de l'épidémie. On peut penser à tous les pays de l'UE, pour différentes raisons. Il ne faudra pas faire les mêmes erreurs qu'après 2008, ne pas scinder l’Europe entre les pays en crise et les autres.

Les gens sont optimistes, se disent que tout cela peut faire avancer les choses, redistribuer les cartes, montrer aux gens l’intérêt d’être plus unis. Et en même temps, pas mal de gens relèvent le fait que l'on a montré tellement peu de solidarité pendant cette crise, qu'il y a de quoi apporter de l'eau au moulin des extrémistes."