Cinéma - Le franquisme à travers la fenêtre

 Cinéma - Le franquisme à travers la fenêtre

"Une vie secrète" - critique cinéma

Comment agirais-tu lorsque les forces du régime dictatorial qui ont fusillé tous tes camarades te cherchent ? Qu’adviendrait-il de toi quand tout un village est à l'affût, quand même tes voisins les plus proches guettent au tournant afin de te dénoncer à l’oppresseur ? Où trouveras-tu encore du réconfort quand la peur commence à coloniser petit-à-petit même les moments les plus intimes de tes relations ?

Ce ne sont que quelques-unes des questions soulevées par le film “une vie secrète”, actuellement projeté au grand écran du cinéma d’art et essai le Katorza à Nantes.

Il s’agit de l’histoire de Higinio et Rose, un couple espagnol qui vit ensemble pendant les trente ans qui séparent la guerre civile espagnole de la chute du franquisme en 1977.
Higinio, jeune républicain persécuté par la guarda civile, frôle la mort suite à un raid violent dans un village d’Andalousie. Sa femme Rose décide dans l’urgence de le cacher dans une petite cave au sein de la cuisine de leur maison - jusqu’à ce que la guerre civile finisse. Mais à mesure que Franco resserre son emprise sur l’Espagne, cet arrangement transitoire devient vite leur nouvelle normalité et l’angoisse de la mort commence à rythmer leur quotidien. 

José Mari Goenaga (Réalisateur) : "La question qui a émergée quand on a envisagé de faire le film, c’était : 'Comment ce serait de vivre 30 ans de l’évolution d’un pays - en l'occurence la période du franquisme - mais à partir de la perspective de celui qui est enfermé - à travers un trou, à travers la fenêtre ? Comment pourrait-on restituer cette réalité ?' "

 class=

Il en résulte un film marqué par une atmosphère lugubre où même les rayons du soleil brillant à travers la fenêtre n’évoquent plus rien que la crainte des regards perçants de la guardia civil. Le film retrace comment les dictatures ont instrumentalisé la peur pour étouffer tout élan subversif de leurs adversaires politiques - et comment ils les ont forcés à intérioriser leur aspiration à la liberté. 

Mais loin d’une analyse historico-politique, “une vie secrète” est surtout une grande allégorie de la peur. Il se veut une enquête psychologique.

José Mari Goenaga“Il s’agit aussi de la peur que n’importe quel individu peut avoir d’avancer, de changer de vie, de changer de travail, de s’assumer ou de faire le pas vers quelque chose, par exemple vers une séparation - une peur qui nous pétrifie parfois. C’est cette origine de la peur qu’on voulait aborder.“

 class=

Reste une question en suspens : pourquoi se rendre au cinéma pour affronter un scénario aussi sinistre d’emprisonnement de plusieurs décennies alors que toute l’Europe s’apprête à sombrer à nouveau dans le confinement ?

Eh bien, parce que le film interroge notamment les motivations qui permettent de supporter et enfin dépasser nos angoisses.

 class=
Le réalisateur José Manuel Goenaga et son interprète lors de l'entretien avec Euradio.