L'Europe c'est du sport

Sport et géopolitique, l’exemple de l’affaire Peng Shuai - L'Europe c'est du sport #15

Sport et géopolitique, l’exemple de l’affaire Peng Shuai - L'Europe c'est du sport #15

Chaque jeudi sur euradio, le Think tank Sport et Citoyenneté propose un regard sur l’impact social du sport en Europe : handicap, gouvernance, égalité des genres, sédentarité, inclusion sociale… c’est aussi du sport !

Nous retrouvons cette semaine Rodolphe Doité de Sport et Citoyenneté, pour aborder une nouvelle thématique, celle de la géopolitique et du sport. Mais nous restons toutefois dans la continuité de nos thématiques sur le sport féminin, car vous souhaitiez parler de l’affaire Peng Shuai. Que pouvez-vous nous en dire ?

Cette affaire est révélatrice de l’importance de la lutte contre les violences sexuelles et de la lutte contre les violences faites aux femmes dans le sport, et du poids que peut avoir le sport dans les relations entre les pays. 

Début novembre, la joueuse de tennis chinoise Peng Shuai a posté un message sur les réseaux sociaux. Elle accusait de viol l’ancien vice-premier ministre chinois Zhang Gaoli. Par la suite, ce message a rapidement été censuré sur les réseaux chinois. Et plus grave encore, la joueuse n’a donné aucune nouvelle, ni fait d'apparition publique pendant une longue période. Et depuis, ses rares apparitions et prises de parole ont été, semble-t-il, soigneusement orchestrées par le pouvoir politique chinois.

Et dans ce cas précis, quelles ont été les conséquences de cette affaire, d’un point de vue géopolitique et de diplomatie sportive ?

Elles ont été nombreuses, mais on peut aujourd’hui se concentrer sur deux aspects principaux. 

Le premier, c’est la réaction du monde du tennis de manière générale. En effet, de nombreux joueurs et joueuses se sont émus et inquiétés de la situation, et ont lancé une vaste campagne de soutien sur les réseaux sociaux, tout en ne cessant de demander des nouvelles et de l’inviter sur des événements internationaux. Mais la prise de position de la WTA, l’Association mondiale des joueuses, a été la plus importante, et marquante. Par le biais de son président, cette dernière a annoncé la suspension de tous les tournois WTA en Chine et à Hong Kong. 

Le deuxième aspect, c’est l’importance que cette affaire a prise, en plus d’autres violations flagrantes - mais toujours supposées au niveau international - des droits de l’Homme, et des femmes, en Chine. Et cela a conduit à des appels au boycott des Jeux Olympiques d’Hiver, qui se tiendront à partir du 4 février 2022, ce vendredi, à Pékin.

Vous évoquiez le boycott, mais qu’est-ce que c’est ?

On peut en distinguer deux types. 

Le boycott intégral, qui consiste à n’envoyer ni représentant politique ni athlète à une grande compétition internationale. Dans ce cas, les grandes compétitions sportives deviennent des moyens de faire pression sur un pays organisateur et de sensibiliser l’opinion publique sur un sujet. On peut ici prendre l’exemple du boycott croisé, en pleine Guerre froide, entre l’Union Soviétique et les Etats-Unis. Alors que les JO se tiennent à Moscou en 1980, le président américain Jimmy Carter boycotte cette compétition pour protester contre l’invasion de l’Afghanistan à partir de 1979. Et, alors que les JO de 1984 se tiennent à Los Angeles, rebelotte, l’URSS et 14 de ses alliés décident de ne pas se rendre aux Etats-Unis et de n’y envoyer aucun athlète. 

Cependant, dans cette situation, ce sont les sportifs qui sont pris en otage des décisions politiques, pour un impact de ces décisions souvent plus symbolique qu’autre chose. Une nouvelle forme de boycott s’est donc développée, le boycott diplomatique. Il consiste à n’envoyer aucun personnel politique ou diplomatique, tout en laissant les athlètes concourir aux compétitions officielles. C’est exactement ce que souhaitent faire de nombreux pays actuellement, comme les Etats-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne ou encore la Nouvelle-Zélande, dénonçant notamment le génocide de Ouïghours en Chine.

Mais encore une fois, pour que ce boycott soit un tant soit peu efficace, il faut qu’il soit suivi et mis en œuvre par plusieurs pays, et encore. C’est la raison pour laquelle, plutôt que de continuer à évoquer le sport dans une perspective de conflit, nous parlerons la semaine prochaine du rôle positif que peut avoir le sport dans les relations entre les pays ! A la semaine prochaine !

Rodolphe Doité au micro de Laurence Aubron