Pour cette nouvelle émission en partenariat avec le Comité européen des régions, nous recevons Apostolos Tzitzikostas, gouverneur de la région de Macédoine centrale (Grèce) et Président du Comité européen des régions.
A ce titre, il a participé dimanche 9 mai à une rencontre, un dialogue local qui s'est tenu à Strasbourg à l'occasion du lancement de la Conférence sur l'avenir de l'Europe. Ce dialogue local était organisé par le Comité européen des régions, en coopération avec le gouvernement français, mais aussi les principales associations de collectivités territoriales françaises.
Il nous en dit plus dans cette interview.
Monsieur Tzitzikostas, de votre point de vue, y-a-t-il urgence à repenser, refonder, au moins en partie, l'Europe, après cet épisode de pandémie, que nous venons de vivre ?
C'est vrai qu’avec les événements et tout ce qui commence maintenant, le dialogue sur l'avenir de l'Europe veut marquer la dimension territoriale de la conférence. L'objectif de donner la parole aux citoyens sur le futur de l'Europe peut être atteint seulement avec l’aide des locaux, car c'est grâce à eux que la conférence pourra aller au-delà de Bruxelles et des capitales. Donc nous pouvons faire en sorte que la conférence ne soit pas un exercice “cosmétique” de communication descendant, mais bel et bien, un exercice de consultation des citoyens, ascendant et inclusif, pour leur demander leur avis. Ces consultations se font mieux au niveau local, qui est le niveau de gouvernement le plus apprécié par les citoyens et le plus proche des citoyens.
Pendant ce dialogue, nous avons entendu des représentants des institutions de l'Union européenne, des associations territoriales, des dirigeants locaux et régionaux et les citoyens, avant de discuter de la manière dont les collectivités locales peuvent s'engager dans le processus de la conférence. Donc à l'issue de l'événement, nous publions une lettre ouverte pour inviter toutes les autorités locales et régionales d'Europe, à organiser des consultations et à rejoindre un réseau des conseillers régionaux et locaux de l'Union européenne.
Cette conférence suscite-t-elle de grandes attentes parmi tous les élus du Comité européen des régions ? Quels sont les grands axes sur lesquels vous souhaiteriez que cette conférence fasse des propositions pour changer ce qui ne va pas en Europe ?
Tout d'abord, je veux dire que le Comité européen des régions a soutenu fortement l'idée de consulter les citoyens et de débattre avec eux sur la manière dont ils envisagent l'Europe du futur. Nous avons toujours insisté sur le fait que la conférence ne doit pas être une simple action de communication sur l'Europe, mais doit provoquer de vraies discussions, dont les conclusions seront attentivement examinées. Et plus important encore, après les discussions et les demandes, il faudra apporter des réponses aux citoyens. Donc le cadre idéal de cette consultation est le niveau local et régional, car il est le niveau politique le plus proche des citoyens.
Nous avons eu plusieurs difficultés au démarrage, essentiellement liées à la pandémie, qui a forcé les institutions européennes à repousser le lancement de la conférence. Donc, la priorité pour les dirigeants locaux, nationaux et européens était de gérer cette crise qui nous est arrivée de la manière la plus inattendue. C'est seulement lorsque l'urgence absolue a été gérée, que les décideurs, à tous les niveaux de gouvernement, se sont préoccupés de l'avenir de l'Europe. Personne n'aurait pu agir autrement, mais je peux confirmer que le Comité européen des régions n'a jamais cessé d'avoir des débats et une réflexion sur la conférence, même pendant la pandémie. On est maintenant prêts, au moment où la discussion à ce sujet recommence.
Monsieur Tzitzikostas, il va y avoir un challenge. Vous parlez d'impliquer les territoires, les élus locaux. Mais comment impliquer les jeunes ? On le sait, beaucoup de jeunes se désintéressent de la politique. Et puis aussi, comment associer les territoires ruraux qui sont largement représentés dans votre Assemblée, mais qui se sentent parfois un peu oubliés des politiques européennes ?
Nous avons tout intérêt à travailler ensemble avec les jeunes, mais aussi avec les institutions européennes ainsi qu’avec les niveaux nationaux et subnationaux, pour que la Conférence sur l'avenir de l'Europe soit un succès. Bien sûr qu'il faut avoir les jeunes, sans jeunes, on ne peut pas discuter du futur d'ailleurs. Mais en général et plus concrètement, nous allons travailler étroitement avec la Commission européenne pour la conduite du dialogue citoyen, national et transfrontalier, avec toujours la participation des jeunes. Nous allons aussi mettre en place une collaboration avec le Parlement européen, un réseau d'élus locaux dans l'Union européenne. Ils seront chargés dans leur collectivité de discuter de sujets à dimension européenne et pourront organiser des dialogues citoyens avec la participation des jeunes de manière régulière, même au-delà de la durée de la conférence. Nous avons aussi lancé des actions conjointes, avec le European Movement International et avec le European Youth Forum, pour travailler ensemble sur le terrain et organiser des événements ciblés sur les plus jeunes. Donc notre coopération s'étend aussi aux principales associations territoriales européennes avec lesquelles nous travaillons, pour rejoindre même les communautés locales les plus isolées en Europe. Vous voyez ?
Il n'y a pas de sujet tabou dans les thématiques qui vont être abordées dans les questions des citoyens. Tout peut être prétexte à débat dans cette Conférence sur l'avenir de l'Europe ?
Exactement ! On discute de tous les sujets qui intéressent les citoyens, de leurs problèmes et bien sûr des propositions qu'ils ont pour le futur de l'Europe et comment ils voudraient voir l’Union européenne travailler, en ayant toujours les citoyens comme protagonistes dans cette nouvelle époque.
S’il y avait une priorité pour vous Monsieur Tzitzikostas, une chose qu'il faut changer au plus vite en Europe, laquelle serait-elle ?
Ce serait que le fonctionnement de l’Union européenne devienne plus démocratique. Il faut maintenant que l'Union européenne donne la parole aux citoyens, et que les citoyens sentent vraiment qu’ils font partie des décisions prises à Bruxelles. Et que les décisions qui se prennent à Bruxelles changent leur vie, chaque jour. Ce sont avec les fonds européens et les décisions de l'Union européenne qu'on crée des écoles, des universités, des hôpitaux, des rues, des parcs, du tourisme, de la culture... Alors vous voyez que l'Europe est dans notre vie, chaque jour. Il faut que les citoyens soient plus impliqués dans cet effort pour changer l'Europe, nos régions et nos villes.
Dernière question, Monsieur Tzitzikostas, l'Europe sort, le monde aussi espère sortir, de cette année de pandémie, qui a profondément bouleversé nos vies. Est-ce que cette période est, selon vous, particulièrement propice à des décisions, dont l'ampleur n'aurait pas été envisageable avant ? Pour faire des choix totalement différents, beaucoup plus engageants que ce qui aurait pu être décidé, il y a 2 ans par exemple ?
La réaction de l'Europe sur la pandémie, je pense qu'elle a été à la hauteur des défis, même si de temps en temps il y a eu des retards et des erreurs. Mais pour faire face à la pandémie et à la crise sociale et économique, l'Union a été en mesure de développer et de lancer le plus grand plan d'investissement et de soutien aux États membres de son histoire. Si on regarde les ressources du prochain budget européen et du plan de relance, on voit bien qu'environ 1,8 milliard d'euros vont être investis pour relancer les économies, maintenir les emplois, soutenir les entreprises, les commerces, renforcer les systèmes sanitaires partout en Europe.
Alors même sur la stratégie de vaccination, après un début difficile, la Commission européenne s'est montrée à la hauteur du défi et nous avançons maintenant, assez rapidement vers une vaccination collective dans tous les États membres. Avec toujours une attention accrue aux catégories sociales les plus faibles. Donc l'Europe fait sa part, mais il faut communiquer mieux et plus rapidement, ses actions, ses mesures, ses bons résultats car souvent nos concitoyens ne sont pas assez informés sur ces sujets. Nous avons aussi assisté à des retards, des incertitudes, des manques d’initiatives qui doivent être rapidement corrigés. Il faut d'ailleurs utiliser la pandémie et la crise, comme vous l'avez très bien dit, comme point de départ pour bâtir ensemble une Europe plus capable de donner des réponses concrètes aux besoins des citoyens.
© EPP Group in the CoR, CC BY 2.0, via Flickr
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