La guerre des étoiles

Galileo : le GPS de l'Europe

Photo de SpaceX - Pexels Galileo : le GPS de l'Europe
Photo de SpaceX - Pexels

Tous les mercredis, écoutez Iris Herbelot discuter d'un sujet du secteur spatial. Tantôt sujet d'actualité ou bien sujet d'histoire, découvrez les enjeux du programme européen Hermès, de la nouvelle Ariane 6, ou encore de la place de l'Europe dans le programme Artémis. Ici, nous parlons des enjeux stratégiques pour notre continent d'utiliser l'espace pour découvrir, innover, et se défendre.

Nous voilà repartis pour un épisode histoire. Vous vouliez nous parler aujourd’hui de Galileo…

Oui, nous avions fait notre première chronique histoire il y a un mois sur un échec européen, la navette Hermès, aujourd’hui j’ai choisi une brillante réussite européenne, Galileo : le GPS de l’Europe !

C’est donc un système de navigation, et un contre-exemple à Hermès ?

Absolument, Galileo est né dans les années 2000, pour fournir à l’Europe un système de navigation indépendant du GPS américain et du Glonass russe. Sur ce plan, Galileo a plus que réussi, parce qu’en faisant barrage à l’hégémonie des signaux américains, les Américains ont même dû accepter une compatibilité des signaux pour le public civil. Galileo, c’est vraiment la prouesse technique et politique de l’anticipation de l’UE d’un besoin d’autonomie stratégique.

A quoi Galileo doit-il sa réussite, selon vous ?

Galileo est un programme objectivement réussi grâce à plusieurs éléments : déjà, le système de positionnement est très précis, à quelques mètres près, ce qui en fait une référence technologique et un outil précieux des services de secours européens et mondiaux. La renommée de Galileo a incité des utilisateurs partout dans le monde à le privilégier au GPS ! Cela montre aussi que l’Europe ne manque pas d’ingénieurs talentueux.

Ensuite, sur le plan politique, c’est également une réussite, pour l’instant : Galileo a plusieurs centres opérationnels en Europe, les contrats sont passés par l’Union européenne, depuis les années 2000, là où l’achat commun de vaccins pendant la pandémie a été longuement discuté ! Quand on compare les sommes impliquées, la programmation au long terme, pour l’UE c’est assez exceptionnel. Surtout que Galileo continue d’être renouvelé, les commandes pour une seconde génération de satellites a été passée en 2017, signées par l’ESA en 2021. Donc Galileo continue de bénéficier d’investissements européens, du fait de sa fiabilité, de sa précision, et de son statut indispensable. Et il est prévu que la nouvelle flotte de satellites soient envoyés sur Ariane 6 quand elle sera opérationnelle, histoire de rester euro-européen !

Une success story européenne absolue, ce système Galileo, alors.

Pas tout à fait non plus. Déjà, malheureusement, ça n’est pas une histoire totalement européenne, puisque les deux derniers satellites à avoir rejoint le système ont été mis en orbite moyenne, donc plus haut que l’orbite basse de Starlink ou l’ISS, par exemple, par la Falcon 9 de Space X. Le problème du retard de développement d’Ariane 6, on y revient encore et toujours…

Côté industriel, les milliards que représentent le programme ont attiré les convoitises des fabricants, forcément, les commandes institutionnelles européennes de cette envergure sont trop rares en Europe. La filiale défense et espace d’Airbus avaient fourni les premiers satellites, puis un petit fabricant allemand avait décroché le contrat très juteux de 30 satellites pour 20 ans, pour une constellation de satellites qui a 28 satellites en 2024 à 23 000 km d’altitude, c’est énorme ; et Airbus et Thales Alenia Space, deux références et géants du secteur en Europe, qui sont aux charges utiles ce que Avio et Ariane sont aux lanceurs, ont décroché le contrat pour la nouvelle génération. Sauf que, OHB, le fabricant allemand, a contesté l’attribution du nouveau contrat en justice. Ça montre à quel point la concurrence est rude pour des acteurs européens dans un secteur trop petit, finalement, pour les talents qui existent sur notre continent.

Côté politique, il y a eu quelques déboires aussi, notamment au moment du Brexit, parce que Galileo n’a pas seulement ses célèbres services commerciaux ouverts à tous, mais aussi des signaux sécurisés pour les institutions étatiques des membres de l’UE… Et le Royaume-Uni ne fait plus partie de l’UE ! Sauf que depuis plus de vingt ans, c’est un pays qui a largement participé financièrement et technologiquement à Galileo, avec plus d’un milliard d’euros de fonds, un centre de production ouvert en 2012 pour des composants utilisés sur les satellites, des centres opérationnels sur son territoire… Un casse-tête de plus pour les négociateurs, qui sera peut-être réglé par une coopération renforcée avec le Cabinet du nouveau premier ministre Keir Starmer.

Que retenir du succès Galileo et des obstacles à surmonter ?

La clé de la réussite est sans doute le consensus européen sur l’intérêt de Galileo et d’assurer sa continuité et son renouvellement. Ça démontre une capacité de l’Union européenne à investir dans la durée sur des systèmes essentiels pour son autonomie stratégique et son rayonnement. En plus, ça laisse optimiste quant à la constellation IRIS² de l’UE, qui en est à un stade de préparation avancée, et dont on parlera la semaine prochaine !

Sources :

- European Space Agency, “What is Galileo?”

- Bottlaender, Eric. “Galileo : Succès et incertitudes d’une constellation cruciale pour l’Europe”, Space International, N°6 Juillet-Septembre 2024.