Dans sa dernière revue, Confrontations Europe donne la parole à Richard Morris, et Stephen Dorrell, respectivement Officier international et Vice-président du Mouvement européen Royaume-Uni. Dans leur contribution, ils s’intéressent à la relation future entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Pourquoi le Royaume-Uni ne peut-il pas revenir au statu quo d'avant le Brexit ?
Le Royaume-Uni ne peut pas revenir au statu quo d'avant le Brexit pour plusieurs raisons majeures. Premièrement, des événements comme la crise de la Covid-19, la guerre en Ukraine, les migrations, et le changement climatique ont transformé l'Union européenne et le Royaume-Uni de manière irréversible. Même si environ 60 % des Britanniques estiment aujourd'hui que le Brexit a été une erreur, le contexte politique, économique et social a profondément évolué des deux côtés. L'Union, tout comme le Royaume-Uni, sont des entités dynamiques et en constante mutation. Par conséquent, si le Royaume-Uni devait un jour rejoindre à nouveau l'Union, elle serait bien différente de celle qu'il a quittée en 2020. Le Brexit a également transformé les relations du Royaume-Uni avec ses voisins européens, et un retour en arrière semble politiquement et pratiquement impossible.
Quels sont les principaux obstacles au rétablissement d'une relation solide entre le Royaume-Uni et l'Union européenne ?
La politique britannique actuelle constitue l'un des principaux obstacles à la reconstruction d'une relation solide avec l'Union. Le Mouvement européen UK, bien qu’il ne soit pas un parti, joue un rôle important en représentant les 60 % de Britanniques favorables à une meilleure relation avec l'Europe, mais son influence reste limitée. Le climat politique doit également se stabiliser, et il faut que le Royaume-Uni montre un engagement renouvelé envers la démocratie, l’État de droit et les droits humains avant d'envisager un rapprochement.
Quels facteurs clés pourraient induire un processus de renouveau au Royaume-Uni après le Brexit ?
Plusieurs facteurs pourraient induire un renouveau national et politique au Royaume-Uni, entraînant un rapprochement avec l'Union. Le premier est l'impact économique du Brexit, qui se manifeste par une baisse du commerce, des investissements directs étrangers, une augmentation de l'endettement, des services publics en difficulté, et une hausse du coût de la vie. Ces dommages économiques sont bien documentés par des experts et constituent une pression croissante pour réévaluer la situation post-Brexit. Deuxièmement, la guerre en Ukraine a déjà renforcé la coopération entre le Royaume-Uni et l'Union, notamment en ce qui concerne les sanctions, l'aide militaire, et la planification de la reconstruction de l'Ukraine. Enfin, un changement à la tête des États-Unis, notamment avec la perspective d'un retour de Donald Trump, pourrait pousser le Royaume-Uni et l'Union à renforcer leur collaboration en matière de défense et de sécurité. Ces événements adverses sont autant de déclencheurs possibles pour un renouveau britannique, permettant une réévaluation des relations avec l'Union.
Justement, en juillet dernier, Keir Starmer, le chef du parti travailliste a été élu Premier Ministre, trois mois après sa prise de fonctions, que peut-on dire de sa politique vis-à-vis de l’Union européenne ?
Depuis son entrée en fonction en tant que Premier ministre du Royaume-Uni, Keir Starmer a montré un changement clair dans la politique britannique vis-à-vis de l'Union européenne, en particulier par rapport à ses prédécesseurs conservateurs. Son approche repose sur une volonté de « réinitialiser » les relations entre le Royaume-Uni et l'Union, tout en excluant une réintégration dans le marché unique ou l'union douanière.
Lors du sommet de la Communauté politique européenne en juillet, Starmer a plaidé pour une coopération plus étroite avec l'Union, particulièrement dans les domaines de la sécurité et de la lutte contre l'immigration clandestine. Il a clairement indiqué que le Royaume-Uni, bien qu'en dehors de l'Union, reste un partenaire européen stratégique. Starmer cherche à renforcer la présence britannique au sein d'Europol et à travailler avec d'autres pays européens pour lutter contre les trafics de migrants, marquant ainsi une rupture avec certaines politiques du précédent gouvernement.
En parallèle, Starmer a aussi entamé des discussions bilatérales avec des dirigeants européens, dont Emmanuel Macron, pour améliorer les relations, et il a laissé entendre qu'un sommet bilatéral Union européenne-Royaume-Uni pourrait avoir lieu au début de l'année prochaine. Cependant, il exclut pour l'instant une renégociation immédiate des accords commerciaux, même s'il vise à assouplir certains aspects comme les contrôles aux frontières pour les produits agricoles.
Enfin, il a pris ses distances avec les politiques controversées de Rishi Sunak, notamment en supprimant l'accord avec le Rwanda sur l'immigration et en affirmant que le Royaume-Uni respectera la Convention européenne des droits de l'Homme.
Une interview réalisée par Laurence Aubron.