Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe revient dans cette chronique hebdomadaire sur les dernières publications de son organisation, notamment de sa revue semestrielle. Énergie, numérique, finances, gouvernance européenne, géopolitique, social, les sujets d'analyse sont traités par des experts européens de tout le continent dont le travail est présenté par Michel Derdevet.
Dans son article “Réflexions sur la réindustralisation de l’Europe”, Anastasia Panopoulou, Consultante dans l’Administration française analyse l’industrie européenne et son rôle crucial dans l'avenir stratégique de l’Union européenne.
Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le “Pacte pour une industrie propre en faveur de la compétitivité et de la décarbonisation dans l’UE” ?
Le 26 février dernier, la Commission européenne a présenté le “Pacte pour une industrie propre en faveur de la compétitivité et de la décarbonisation dans l’Union européenne”. Il a pour but principal de redynamiser l’industrie européenne, tout en respectant les objectifs climatiques qui ont été fixés.
Ce pacte se concentre sur différents objectifs stratégiques. Il vise surtout à réduire l’écart d’innovation entre l’Union et ses concurrents. Pour cela, le plan prévoit d’investir davantage et de développer l’économie circulaire pour permettre un meilleur approvisionnement en matières premières essentielles. Il compte aussi faire baisser le coût de l'énergie en créant un système plus prévisible.
Quelle est la situation actuelle de l’industrie française ?
La France a la première place en termes d’innovation dans le domaine de l’énergie et de l’environnement en Europe. Elle reste ainsi le pays le plus attractif pour les investissements industriels en Europe selon le baromètre de l’attractivité d’EY. L’image de la situation actuelle de l’industrie française, qui est souvent perçue comme très négative, doit donc être atténuée. Le part de l’industrie dans le PIB français s’élève actuellement selon Statista à 17%. Presque toutes ses régions présentent également un solde positif de création d’entreprises.
En France, les grands groupes industriels utilisent des technologies de pointe qui demandent des investissements en connaissance, recherche et développement. Ces coûts pèsent beaucoup sur les entreprises, qui doivent réussir à attirer les meilleurs talents, pendant que l’Etat doit encore investir dans l’éducation.
Quel bilan peut dresser l’Union européenne sur les tendances observées dans l’industrie actuelle ?
Aujourd’hui en Europe, la mobilité des personnes est beaucoup moins développée qu’aux Etats-Unis ou en Chine. Cette faiblesse qui s’observe dans toute l’Union peut être expliquée par les barrières linguistiques et le coût humain représentés. Lorsque la production est délocalisée, elle n’est pas accompagnée par les travailleurs, ce qui a des conséquences politiques et sociales sur le territoire d’origine.
Pour y faire face, la politique de cohésion reste un élément clé pour permettre à ces zones concernées de bénéficier d’un meilleur niveau de développement européen, qui divise moins les travailleurs et les régions. C’est ce qu’explique Enrico Letta dans son rapport avec son concept du “droit de rester”, qui va au-delà de la simple liberté de se déplacer, mais qui vise aussi de meilleures conditions pour les travailleurs sur l’ensemble du territoire européen.
A l’avenir, quelles stratégies pourront être encore mises en place en plus de ce Pacte en France et en Europe ?
En Europe, la création d’un Fond Européen pour la Compétitivité, qui regroupe la recherche, l’innovation et les dépenses stratégiques, encouragera les investissements dans les secteurs clés et les technologies essentielles. Cette mise en place aidera surtout la France, qui dispose déjà d’une base industrielle compétitive à l’échelle mondiale.
A l’avenir, la politique d’aménagement du territoire pourra aider à réserver des espaces pour l’implantation des industries. Elle pourra contribuer positivement au niveau national, mais aussi européen, avec la proposition d’une politique de rapatriement de la production et des compétences nécessaires à l’installation des industries en Europe.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.