Échos d'Europe

L’Europe mise au défi. L’ascension de la droite radicale et son impact sur l’Union européenne.

© European Union 2024 - Source : EP L’Europe mise au défi. L’ascension de la droite radicale et son impact sur l’Union européenne.
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Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe revient dans cette chronique hebdomadaire sur les dernières publications de son organisation, notamment de sa revue semestrielle. Énergie, numérique, finances, gouvernance européenne, géopolitique, social, les sujets d'analyse sont traités par des experts européens de tout le continent dont le travail est présenté par Michel Derdevet.

Comment se distingue la droite radicale du populisme ?

La droit radicale a émergé en prônant l’inefficacité des partis classiques envers leurs générations. Elle se distingue du populisme, qui s’est fait une place dans un contexte de colère de certains citoyens à l’encontre des élites. Le populisme se préoccupe surtout de questions identitaires sur des sujets variés comme la migration, l’économie ou le climat avec une idéologie très restreinte.

Alors que les populistes se basent sur le dysfonctionnement du système démocratique, la droite radicale va plutôt avoir tendance à rejeter le libéralisme, comme l’Etat de droit et certaines libertés individuelles. Les partis de la droite radicale vont vouloir plus s’éloigner du projet d’intégration européenne et se placer en faveur d’une politique nationale des Etats membres, ce que les partis populistes ne remettent pas forcément autant en question.

Cette fine balance entre un semblant d’aspect démocratique d’une part et un rejet de certaines caractéristiques essentielles du libéralisme d’autre part, permet à la droite radicale de proposer une nouvelle alternative et de s’affirmer aux côtés des autres partis de l’Union européenne.

Comment s'illustrent les répercussions de la progression de la place des partis de la droite radicale dans l’Union européenne ?

Les partis de la droite radicale tendent à un véritable changement substantiel de l’Union européenne. Ces partis se positionnent en faveur de la modification des structures internes de l’Union, comme certains traités européens. Ils vont même jusqu'à vouloir changer certains organes ou institutions, ce qui montre bien qu'une réticence concernant l’Union, son organisation et son fonctionnement est bien toujours présente dans leur idéologie politique.

Avec ces transformations souhaitées, ces partis entravent grandement la stabilité politique européenne quant à son orientation et sa prise de décision et pourraient conduire à un profond bouleversement du cadre démocratique de l’Union européenne. Une coalition de plusieurs de ces partis pourrait aussi durcir et bloquer certains textes européens, modifier les valeurs européennes et même vider la substance de l’Union.

Ce glissement vers les partis de la droite radicale peut être observé dans les pays fondateurs des traités originaires de la Communauté européenne. Celui-ci pourrait avoir de réels échos avec la victoire de Donald Trump et même conduire à une orientation de certains électeurs européens vers la droite radicale, qui s’est déjà considérablement étendue au Parlement européen lors des dernières élections.

La droite radicale procède-t-elle à un véritable revirement par rapport à la sortie de l’Union européenne ?

Alors que la sortie de l’Union a toujours été un des objectifs majeurs de la droite radicale, ces partis ont atténué leur discours en se concentrant à présent sur une transformation de l’Union de l’intérieur pour atteindre leur objectif de priorité nationale. Ces partis qui ont renoncé à la sortie de l’Union et de la zone euro ont décidé de privilégier une approche moins frontale et plus douce avec la contestation du fonctionnement de l'Union, comme de ses organes plutôt qu'une stratégie directe de sortie, que craignaient un grand nombre d’électeurs européens.

Une des raisons qui explique ce changement soudain est le Brexit. Avec la sortie du Royaume-Uni de l’Union la droite radicale a fait le choix d’adapter habilement sa position. Pour autant, ce changement ne signifie pas que ces partis ne souhaitent plus se distancer ou sortir de l’Union. La droite radicale continue de soutenir l’idée d’une alliance européenne des nations et un objectif d’”Europe à la carte”, ce qui ne la rend pas moins eurosceptique qu’avant.

Comment les partis traditionnels peuvent-ils réussir à s’imposer face à la droite radicale grandissante ?

Un travail commun étroit entre les partis respectueux des processus démocratiques est désormais indispensable. Ces partis, ont souvent des idées divergentes sur une variété de sujets, mais devront tout de même se concentrer sur un engagement collectif au sein de l’Union sans jamais s’allier avec les partis de la droite radicale.

Les partis traditionnels devront plutôt analyser les raisons du vote en faveur de la droite radicale, se positionner et surtout clarifier des sujets controversés, plutôt que de se contenter de les critiquer.

Une bonne adaptation soucieuse et respectueuse du processus démocratique européen devra être repensée par les autres partis de l’Union européenne pour palier à la menace croissante de la droite radicale au sein du fonctionnement politique et institutionnel de l’Union et éviter à nouveau la fragmentation des votes des électeurs lors des prochaines élections.

Une interview réalisée par Laurence Aubron.