Aujourd’hui, on va parler de Felix in Exile, un petit film animé réalisé en 1994. Il est composé de nombreux dessins au fusain et pastels colorés, qui se suivent et se transforment au fur et à mesure que l’on progresse dans la narration. Les dessins sont en fait gommés et redessinés afin de créer une animation style stop-motion et rendre vivant le décor et ses personnages. Ils sont, tout au long de la production, photographiés sur pellicule puis finalement transférés en vidéo ajoutant couleur et son.
Dans ce film, l'auteur, William Kentridge, un artiste né et vivant à Johannesburg en Afrique du Sud, évoque, comme dans la majorité de ses oeuvres, la brutale société abîmée par l’apartheid, qu’il a vécu et dans laquelle il a grandit. Ici on voit les corps d’Africains au sol, blessés et ensanglantés, faisant écho aux nombreux morts les mois précédents la première élection multiraciale de l’Afrique du sud en 1994. On peut y suivre une femme, Nandi, qui prend de plus en plus de place dans le film jusqu’à en devenir le coeur et le narrateur. On la voit utiliser des instruments d’observation qui lui servent à visionner cet horrible champ où les cadavres s’accumulent, et dessiner ce macabre paysage, afin d’attester de la violence et des massacres subis par les Sud-africains. Un sismographe apparaît également plusieurs fois dans la narration, mesurant les tremblements de la Terre qui absorbe les corps des malheureux défunts.
En parallèle de cette femme, on suit la vie d’un homme, Felix dans sa chambre, chambre qui s’inondera à mesure que les corps tomberont, incarnant la tristesse, le deuil, mais aussi faisant peut être référence au déluge biblique promettant une nouvelle vie. Kentridge est un artiste engagé qui fait émaner de ses œuvres à la fois l’atrocité de ce temps de discrimination mais aussi les paysages de ce qu’il qualifie être la deuxième plus belle ville après Paris.
Une émission proposée par Jeanne Hssein.