Nous accueillons Marc Tempelman, un des co-fondateurs de la FinTech Cashbee, qui aide les Européens à épargner plus et mieux. Nous discutons toutes les semaines de finance.
Au programme cette semaine, le retour possible de l'inflation.
Oui, Avec des taux négatifs en Europe, le sujet peut faire sourire. Mais les anticipations et les premiers signes d’une sortie de crise ont fait grimper le prix de certaines matières premières. Nous pouvons donc nous interroger sur une potentielle hausse de l’inflation.
Vous nous parlez de premiers signes d’un possible retour de l’inflation. À quels indicateurs faites-vous allusion ?
L’inflation a été tellement basse, voir absente depuis de longues années, que le mot avait presque disparu du lexique des épargnants. Mais il y a un domaine dans lequel les prix ont eu tendance à fortement monter ces derniers temps. Il s’agit du secteur des matières premières.
Prenons le prix du pétrole par exemple. Le prix du baril était d’environ 20 dollars en avril dernier. Mais face à la demande croissante, il dépasse 60 dollars aujourd’hui. Et il pourrait dépasser les 100 dollars d’ici la fin de l’année selon plusieurs analystes.
La demande pour certains métaux a également flambé. Celui du cuivre par exemple, qui dépasse aujourd’hui 9000 dollars à la tonne. Soit presque le double du prix en mars dernier et un plus haut depuis 8 ans.
Je vois l’impact que cela peut avoir. Car une augmentation des prix des matières premières doit forcément impacter des nombreux secteurs de l’économie, n’est-ce pas ?
Effectivement. Les secteurs du transport, de l’automobile et de l’aviation consomment beaucoup de pétrole et de métaux. L’agro-alimentaire dépend beaucoup du prix des céréales, qui ont également commencé à monter. Les nombreuses entreprises dans tous ces segments devront bien répercuter la hausse de leurs coûts de production. En clair, elles seront bien obligées d’augmenter les prix des produits et des services qu’elles produisent. La définition même de l’inflation !
Il est dû à quoi ce retour de l’inflation ?
En fait, c’est plutôt une bonne nouvelle, car cette hausse des prix traduit tout simplement une augmentation de la demande. Et cette demande a été et continue d’être stimulé par les plans de relance massifs des gouvernements des grands pays industrialisés. L’injection d’importantes sommes d’argent pour soutenir l’économie mondiale commence clairement à porter ses fruits.
Du coup, les prévisions sur l’inflation sont revues à la hausse. En octobre dernier, le Fonds Monétaire International prévoyait un doublement de l’inflation de 0,8% en 2020 à 1,6% en 2021. Mais d’autres grandes banques estiment que ce taux pourrait atteindre, voire même dépasser les 2%.
Et en quoi ce retour de l’inflation est un danger pour les placements ?
Pour deux raisons principales. Premièrement, quand le taux de l’inflation monte, le rendement réel de tout placement va proportionnellement souffrir. Si vous gagnez 2% par an sur un placement, mais que l’inflation est de 3%, vous perdez techniquement un point de pouvoir d’achat.
Le second effet est indirect, mais tout aussi dangereux. Un investisseur rationnel voudra toujours recevoir des intérêts supérieurs au taux de l’inflation. Si l’inflation se met à monter, il va naturellement exiger un taux de rémunération plus élevé. Il exigera donc un taux d’intérêt plus élevé sur la dette avant d’en acheter. Ce qui renchérit le coût de l’endettement des emprunteurs, à commencer par l’État français.
Donc, l’inflation ne ronge pas uniquement le pouvoir d’achat de votre argent qui dort sur les comptes bancaires non rémunérés. Une forte inflation pèsera également sur les marchés obligataires, et, par extension, sur les marchés actions.
Alors je vais vous poser la question évidente. Comment peut-on se protéger contre l’inflation ?
Cette question mériterait une chronique à elle toute seul. Mais de façon générale, tout placement dont la rémunération est indexée à l’inflation offre une bonne protection contre sa hausse. On peut penser à l’immobilier locatif ou encore à certaines obligations dont la rémunération est indexée sur l’inflation. L’or est également souvent cité dans ce contexte comme une valeur refuge, car son prix a tendance à augmenter avec l’inflation.
Le mot de la fin ?
D’abord, il s’agit de ne pas s’emballer trop vite au sujet de l’inflation. Oui nous pouvons observer quelques signes inflationnistes que nous n’avions pas vu depuis des années. Sans surprises, cela fait craindre l’impact qu’une forte hausse de l’inflation pourrait avoir sur les investissements.
Mais n’oublions pas que nous partons d’une situation historiquement rare où les taux sont proches de zéro et l’inflation aussi. N’oublions pas non plus que les banques centrales visent typiquement un taux d’inflation proche de 2% et que nous en sommes encore loin. Un niveau d’inflation faible mais positif est d’ailleurs vu comme étant le contexte idéal pour favoriser la croissance économique, ce qui – habituellement – est favorable aux placements traditionnels, comme les actions et les obligations.
Interview réalisée par Laurence Aubron
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Image : Gerd Altmann