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Harcèlement scolaire : le gouvernement français s'inspire des autres pays européens

Kenny Eliason Harcèlement scolaire : le gouvernement français s'inspire des autres pays européens
Kenny Eliason

La Première ministre Elisabeth Borne a dévoilé jeudi 28 septembre le nouveau plan de lutte contre le harcèlement scolaire, qui concernerait en moyenne en France 1 élève sur 10. Un plan qui prévoit de renforcer le programme pHARe, le programme de lutte contre le harcèlement scolaire déployé par Jean-Michel Blanquer en 2021. Parmi les mesures annoncées, la création d’un numéro unique pour recueillir la parole des victimes : le 3018, et l’instauration de cours d’empathie dans les établissements, sur le modèle de ce qui est fait au Danemark depuis 2007.

Pour en parler, Marie Quartier, professeure de lettres et co-fondatrice avec Jean-Pierre Bellon du Centre Resis, le Centre de ressources et d’études systémiques contre les intimidations scolaires, a répondu aux questions d'Euradio. 

Euradio : Globalement, est-ce que ce nouveau plan du gouvernement en matière de lutte contre le harcèlement scolaire vous convainc ?

Marie Quartier : Nous sommes en tout cas rassurés de voir que le programme pHARe (NDLR : plan global de prévention et de traitement des situations de harcèlement scolaire, initié par Jean-Michel Blanquer en 2021) est maintenu et va être renforcé. L'objectif principal est, à terme, de former dans chaque établissement scolaire une équipe de professionnels multidisciplinaire, qui se mobilise pour à la fois prendre en charge les élèves harcelés et les élèves harceleurs. Ce type de dispositif permet d'agir avant que la situation ne devienne grave, et c'est très important. 

Euradio : Une des mesures phares de ce programme, ce sont des cours d'empathie, pour créer de la bienveillance entre les enfants, et pousser les témoins de harcèlement à réagir. Ces cours d'empathie seront dispensés sur le modèle de ce qui est fait au Danemark, qui fait d'ailleurs partie des pays européens affichant les taux de harcèlement les plus bas. Qu'est-ce que vous pensez de cette initiative ?

Marie Quartier : Développer l'empathie chez les élèves, c'est très bien, mais n'oublions jamais que la première éducation à l'empathie, c'est la présence d'adultes empathiques eux-mêmes. Enseigner aux élèves comment bien se conduire entre eux si nous, adultes, ne sommes pas attentifs, bienveillants, et sensibles à leur sort, cela n'a pas de sens. 

Euradio : Quand on pense aux figures adultes empathiques autour des enfants, on pense évidemment aux professeurs. Est-ce qu'il est prévu, dans le plan du gouvernement, que les enseignants soient formés à la prise en charge des élèves harcelés, mais aussi des harceleurs ? 

Marie Quartier : Le programme pHARe inclut justement la formation des professionnels volontaires parmi lesquels il est impératif qu'il y ait des professeurs, étant donné que ce sont eux qui sont au plus près des élèves. Mais ce qui nous semble manquer dans ce programme, c'est la formation initiale des enseignants. Si on sensibilise en formation initiale, cela toucherait tous les enseignants, tous ceux qui entrent dans le métier. Et là, cela pourrait commencer à changer les mentalités. 

Euradio : Aujourd'hui avec les réseaux sociaux, on sait que le harcèlement ne se limite plus à la cour de récréation. Et une des mesures du gouvernement prévoir la confiscation systématique du téléphone portable du harceleur, voire l'interdiction d'accès aux réseaux sociaux. Est-ce que c'est une mesure qui tient la route ? 

Marie Quartier : On se félicite qu'il y ait plusieurs mesures annoncées concernant le cyberharcèlement, car c'est un phénomène vraiment inquiétant. Mais faudrait surtout que les plateformes agissent de manière systématique quand un cas de harcèlement est repéré. Quand on parle de cyberharcèlement, je pense que personne n'a de solution parfaite. Il faut essayer. Malgré tout, il faut dire que quand on en arrive à des mesures coercitives comme celles-ci, c'est qu'avant, on a laissé faire beaucoup de choses. Il faut reconnaître que la coercition, c'est l'échec de l'autorité. C'est notre échec à nous, adultes, qui n'avons pas été assez vigilants, qui avons laissé passer des comportements inacceptables entre élèves. Or faire régner des règles de bienveillance et de respect entre les élèves, c'est tout de même la meilleure des préventions. 

Euradio : Il faut donc que les enseignants, les personnels d'éducation, et les parents, travaillent main dans la main pour tenter de lutter au mieux contre le harcèlement scolaire. On entend à ce titre parler ces derniers jours de la méthode de la préoccupation partagée. C'est une méthode qui a été mise au point par le psychologue suédois Anatol Pikas dans les années 70.

L'objectif est d'impliquer les harceleurs dans la mise en place d'actions pour mettre fin au harcèlement. Mais aussi de continuer à apporter à l'élève harcelé un soutien, qui puisse garantir sa sécurité et son bien-être à l'école, tout en impliquant les adultes. Est-ce que c'est une méthode qui a fait ses preuves ?

Marie Quartier : La méthode de la préoccupation partagée, c'est d'abord un état d'esprit. Les adultes partagent une préoccupation pour les élèves. C'est d'abord une éthique. Derrière cette éthique, il y a aussi des méthodes d'entretien, qui sont efficaces parce qu'elles traitent les élèves avec tact. Lorsque la méthode de la préoccupation partagée est appliquée comme il faut, on obtient des résultats extraordinaires et des situations, même graves, se dénouent. 

Avec Jean-Pierre Bellon (NDLR : co-fondateur avec Marie Quartier du Centre Resis), nous avons adapté la méthode d'Anatol Pikas au modèle français. Notre ambition est de réussir à implanter cette méthode partout. C'est un grand travail.