Elise Bernard, Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque semaine les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit.
L’État de droit c’est assurer la sécurité juridique de ses citoyens cela semble évident mais est ce que tous les États-membres de l’Union européenne l’envisagent de la même manière ?
Malheureusement non, et cela s’explique souvent par des raisons tenant aux évolutions de notre société.
C’est ce que l’on constate en particulier avec la proposition de la Commission européenne en matière de reconnaissance de la filiation entre États-membres.
Cela signifie qu’aujourd’hui, des parents européens peuvent se voir opposer le fait que leur enfant n’est pas leur enfant, alors qu’un autre État-membre le reconnaît ?
Malheureusement oui, c’est d’ailleurs pour cela que le Sénat italien a voté contre la proposition de règlement de la Commission européenne en faveur de la reconnaissance transfrontalière des enfants de parents de même sexe.
L’Italie n’a pas reconnu le mariage homosexuel, soit, mais cela signifie que les enfants de couples n’existent pas ?
Pas exactement, le couple qui adopte dans un autre État-membre, pour lequel l’adoption est admise, va voir sur place la filiation établie. La Commission souhaite que cette filiation soit reconnue sur tout le territoire de l’UE.
C’est logique ! un citoyen européen est un citoyen européen dans toute l’UE, c’est un principe fondamental !
Voilà, ce qui se passe en ce moment, c’est que les municipalités ont interrompu la transcription de tous les certificats de naissance étrangers des enfants de parents homosexuels. Cela signifie que les parents, en droit italien n’exercent pas l’autorité parentale : ces enfants n’ont donc pas de représentants légaux.
Cela signifie aussi que ces enfants n’ont aucun droit dans la succession de leurs parents.
Mais pour quel objectif ?
Certains diront que c’est pour décourager ces gens d’avoir des enfants, d’autres annoncent que c’est une façon de lutter contre la stratégie de propagande « du lobby LGBTQ+ ».
Donc l’objectif est politique ?
Honnêtement, oui. La question qui se pose ici n’est pas tant de savoir si ces personnes ont le droit – ou non – à la parentalité. Dans les faits, ces enfants se retrouvent sans État civil et cette impossibilité tient à une volonté politique.
En d’autres termes, la puissance publique refuse la sécurité juridique de ses ressortissants mineurs car la lutte contre le lobby LGBTQ+ serait une priorité.
En l’état actuel des choses, oui, on peut dire ça comme ça. Cela ne va peut-être pas durer, on peut imaginer des recours à la Cour européenne des droits de l’Homme, au nom du droit à la sûreté. On le sait, les enfants ont aussi des droits et cette décision de ne pas leur reconnaître de filiation c’est d’abord les punir eux.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.