L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Les Européens dans la rue

Les Européens dans la rue

Elise Bernard, docteur en droit public et enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur Euradio les implications concrètes de l'État de droit dans notre actualité et notre quotidien. Ses analyses approfondies, publiées sur la page Europe Info Hebdo, offrent un éclairage précieux sur ce pilier fondamental de l'Union européenne.

L’État de droit c’est donner corps au courage des citoyens qui souhaitent vivre en paix et en sécurité, c’est ainsi que l’on peut comprendre les manifestations qui secouent la Slovaquie, la Roumanie et la Serbie en ce moment !

Absolument Laurence, une - impressionnante - marée humaine pacifique a défilé dans les rues de Belgrade, le 15 mars dernier ! Après des mois de contestation contre la corruption, menée par les étudiants serbes déterminés à montrer que « le changement est possible », ils sont maintenant rejoints par des agriculteurs au volant de leurs tracteurs et de nombreux belgradois, toujours dans le calme.

Le mouvement est né de l’accident de la gare de Novi Sad, le 1er novembre 2024, qui a fait quinze morts, lorsque s’est écroulé l’auvent en béton du bâtiment tout juste rénové.

Exactement, beaucoup ont vu dans cet accident le reflet d’une corruption qui gangrène les institutions et les travaux publics et la tension atteint un point tel que Milos Vucevic, Premier ministre, est poussé à démissionner.

Il a démissionné parce qu’il est l’ancien maire de Novi Sad qui était donneur d’ordre des travaux de rénovation de la gare.

Absolument. Le problème, à grands coups de renforts du Kremlin, est que le gouvernement préfère accuser les protestataires d’être payés par des “agences étrangères” pour déstabiliser le pays. Et, bien sûr, il n’est jamais question d’envisager quelque action en matière de lutte contre la corruption.

Un peu plus à l’Est, en Roumanie, autre ancienne autocratie qui a déjà marqué l’Histoire par des mouvements de foule décisifs, les jeunes donnent – aussi – le ton.

Oui, nettement plus européens que leurs voisins serbes quant à leurs revendications, les Roumains manifestent massivement leur rejet de ceux qu’ils désignent comme les champions de l’outrance et du discours haineux. Ils exposent encore un peu plus qu’ils ne craignent pas ceux qui se présentent comme les héritiers du mouvement fasciste des légionnaires, affilié aux nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, ni celui des inféodés Kremlin.

On dirait que tous ces citoyens s'exposent au grand jour pour contrer la surreprésentation des manifestations de force des mouvances qu’ils rejettent.

Oui, c’est intéressant. Alors qu’un peu partout en Europe on rend hommage à l’opposant russe Alexei Navalny, à l'occasion du premier anniversaire de sa mort, quelques-unes de ses dernières réflexions ont pu être publiées. A la lecture de certaines d’entre elles, on retrouve un état d’esprit qui semble prendre corps dans ces manifestations.

Une citation qui vous semble particulièrement marquante peut être?

Oui, quelques morceaux choisis : “Ne vous laissez pas berner par la fausse image de force et d’arrogance. Comment peut-on parler de force ... Comment peut-on invoquer un soutien populaire si les manifestations de rues sont considérées comme une menace ?” .

Un entretien réalisé par Laurent Pététain.