À propos d’Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque semaine les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.
L'État de droit c’est ce qui doit motiver toute décision prise au niveau de l’Union européenne, mais comment sur cette base a-t-on pu créer ce qu’on appelle le mécanisme de conditionnalité ?
Alors, il est question, pour être précise, du régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l'Union. Pour appliquer ce mécanisme, il faut que les violations constatées menacent la bonne gestion du budget européen.
Ah oui, on en avait un peu parlé déjà à propos de la Hongrie et des suspicions de rupture d’égalité dans le versement de subventions européennes.
Exactement. Donc ce qui s’est passé, c’est que les circonstances de crise pandémique sont venues donner un sens tout particulier à cette idée de protéger le budget de l’UE.
Un budget c’est adopté pour atteindre des objectifs, des objectifs qui sont forcément conformes aux traités européens et donc à sa vision de l’Etat de droit.
Voilà la logique en effet. Nous sommes actuellement sous le budget pluriannuel 2021-2027, avec ses ambitions GreenDeal notamment. En parallèle, se trouve le plan NextGenerationEU créé pour soutenir et aider les États membres à relancer et moderniser leur économie. Donc chaque gouvernement d’État membre a élaboré un plan national, et chaque versement de fonds est conditionné à la réalisation d’objectifs attendus. Cela va durer jusqu'en 2026.,
Cela signifie que chaque État membre doit faire ce à quoi il s'est engagé s'il veut bénéficier des crédits du plan de relance.
C’est cela. Dans le cas de la Roumanie par exemple, d’ici à 2026, sans trop rentrer dans les détails, doivent être présentés à la Commission : des modifications du code pénal et des adoptions législatives concernant spécifiquement l’éthique et la conduite du gouvernement.
Cette conditionnalité associée aux versements des fonds du plan de relance, fonctionne bien pour l’instant. En tout cas, le gouvernement actuel semble disposé à régler les problèmes identifiés par les institutions européennes.
Une feuille de route à suivre en matière d’État de droit si l’on veut disposer des fonds prévus par l’UE, c’est aisé à comprendre, mais on peut bien imaginer que certains gouvernements actuellement ne sont pas favorables à une feuille de route.
Et c’est tout l’intérêt du mécanisme de conditionnalité, Laurence. Cela fait quand même quelques années que l’on reproche à ces États de percevoir les fonds l’UE tout en se moquant allègrement de ses objectifs.
Surtout quand ils s’amusent à faire des parallèles douteux entre impérialisme passé de l’URSS et ambitions de l’Union européenne.
Ah oui donc c’est là que les ambitions territoriales du Kremlin viennent changer la donne !
Absolument ! On comprend bien que la Pologne justifie d’une situation amenant à une certaine souplesse dans les résultats attendus. Et on comprend aussi qu’elle ne peut plus être alignée avec la Hongrie dans sa démarche de s’opposer aux attentes de l’UE. À voir donc, l’outil est en place, il fonctionne a minima, voyons jusqu’où il peut aller pour faire levier et si on peut l’adapter aux États candidats !
Entretien réalisé par Laurence Aubron.