L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Qu’en est-il du droit à la sûreté pour les citoyens aux abords de l’Union européenne ?

Qu’en est-il du droit à la sûreté pour les citoyens aux abords de l’Union européenne ?

À propos d’Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque semaine les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.

L’état de droit c’est garantir le droit à la sûreté pour les citoyens européens sur le territoire mais qu’en est-il des abords de l’Union européenne?

Eh bien Laurence, c’est la grande question de l’État de droit aux frontières extérieures de l’espace couvert par le droit de l’UE.

La frontière extérieure de l’UE, c’est la frontière d’un État membre qui nous sépare d’un État tiers de l’UE.

Exactement, certains États membres bordent l’espace de l’UE, ils partagent une frontière commune avec des États dits tiers. Ces États tiers peuvent être plus ou moins partenaires, comme la Suisse, ce qui ne pose pas de difficulté en ce qui concerne la sécurité. Ces États peuvent être candidats, ce qui a longtemps constitué une certaine pression, comme en Macédoine lors de la crise de 2015. Et c’est devenu un levier dans les rapports de force, on l’a vu avec la Pologne et la Biélorussie en 2021 et un argument de campagne électorale.

C’est le cas de la Grèce il me semble!

En effet, la Grèce se prépare à des élections législatives très tendues. L’actuel Premier ministre Kyriakos Mistotakis annonce comme argument de campagne la construction d’un mur le long de la rivière à quelques kilomètres de la frontière greco-turque terrestre.

Ce mur est supposé empêcher le passage de migrant·es par voie terrestre depuis la Turquie, à la Trump?

Cette zone située sur ce que l’on appelle la route des Balkans, c’est-à-dire un tracé terrestre suivi par les flux migratoires, est déjà parcourue de palissades et barbelés. Précisons qu’il ne s’agit pas de l’unique point de passage pour entrer en Grèce, la voie maritime est aussi souvent empruntée.

Voilà la question n’est pas tant de savoir s’il faut accueillir ces migrant·es que la pertinence d’un futur mur.

C’est là où il y a instrumentalisation de la question par la campagne électorale grecque. Je veux bien imaginer que les électeur·rices ont un avis sur les conditions de vie, d’accueil de ces gens. Est-ce que ériger un mur va changer quelque chose, aucune idée ! en quoi est-ce plus efficace que des palissades et barbelés, je n’en sais rien ! Est-ce que cela va empêcher les migrants de se mettre en danger, d’escalader ce mur, empêcher les passeur·euses de tenter de corrompre pour obtenir un droit de passage ? Certainement pas !

Mais personne ne peut empêcher la Grèce de construire un mur sur son territoire.

Non, l’État est souverain il construit bien ce qu’il veut s’il pense que ce sera utile. Le Parlement européen s’est toutefois explicitement opposé à l’utilisation de fonds européens pour financer le mur- frontière. Entre États membres, l’Italie et l’Autriche soutiennent, moralement hein, la démarche.

Cela relève du symbole en fait, cela ne donne rien en droit.

Exactement, le message de cette campagne c’est : la Grèce doit ériger un mur parce que les gouvernements précédents ont failli au maintien de notre sécurité. C’est d’autant plus important qu’elle constitue une frontière extérieure importante de l’UE et qu’elle a une responsabilité pour cela. C’est un argument de vote, les électeur·rices seront d’accord ou pas avec ça, les autres gouvernements européens aussi.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.