Chaque semaine sur euradio, retrouvez la chronique de Bernard Guetta, député européen, qui effectue un retour sur les actualités et événements européens actuels.
Je sais, ce n’est pas facile. A se démarquer de son parti, on risque d’encourir sa vengeance. Avec un homme aussi rancunier que Donald Trump, ce n’est pas un risque mais une certitude mais vous n’avez plus le choix. Que vous vous soyez ou non senti proche de ce président, vous devez aujourd’hui l’arrêter, tout au moins le freiner, car…
Prenez ces 50% de droits de douane dont il voudrait maintenant frapper les importations européennes. Si l’on en arrivait bien là le 1ier juin, la semaine prochaine, ce n’est pas seulement nos industries, nos agricultures, toutes nos économies qui en souffriraient. C’est également les consommateurs américains, vos électeurs, qui verraient les prix de beaucoup de biens partir à la hausse et vos cols bleus, vos ingénieurs, vos agriculteurs, toute l’économie américaine, qui se heurteraient aux mesures de rétorsion que nous devrions alors prendre car, je vous le dis, nous en prendrions, nous les 450 millions d’Européens.
Je vous le demande donc : est-ce vraiment le moment de nous affaiblir, vous et nous, des deux côtés de l’Atlantique, alors que vous avez un tel défi chinois à relever, que Vladimir Poutine a replongé notre continent dans la guerre et que nous avons à tant investir dans notre Défense ?
Pourquoi les alliés que nous devons rester devraient-ils être condamnés à des jeux aussi dangereux et vains et si votre président change d’avis demain ou l’a déjà fait hier, cet énième aller-retour n’aura-t-il pas encore plus décrédibilisé les Etats-Unis et l’ensemble de l’Alliance atlantique ?
Car demandez-vous un instant pourquoi Vladimir Poutine n’a pas saisi la perche que Donald Trump lui tendait. Il avait tout gagné. Les Etats-Unis reconnaissaient l’appartenance de la Crimée à la Fédération de Russie, acceptaient que les troupes russes gardent le contrôle du Donbass et interdisaient l’entrée de l’Otan à l’Ukraine. Avant même que des négociations ne s’ouvrent, le plus puissant des pays du monde avait tout concédé à cette puissance de second rang qu’est la Russie et le maître du Kremlin refuse !
Aussi désagréable qu’évidente, l’explication est claire. Les improvisations, échecs et incohérences de Donald Trump ont déjà suffisamment affaibli les démocraties occidentales et mis à mal leur alliance pour que Vladimir Poutine considère n’avoir plus qu’à attendre pour s’offrir une victoire plus grande encore.
Il se trompe car, face à une Russie qui l’agresse et une Amérique qui lui tourne le dos, l’Europe s’éveille et se réarme. A se voir déjà maître du continent, Vladimir Poutine s’illusionne complètement mais, pour l’heure, votre président a réussi la dangereuse prouesse d’enhardir l’homme qui rêve de reconstituer l’empire des tsars et masse déjà des troupes à la frontière finlandaise.
Vous ne pouvez plus ne pas le voir. Donald Trump rend ce siècle encore plus instable qu’il ne l’était depuis le 11 septembre mais parvient-il au moins à rogner les ailes de la Chine ? Pour votre pays, c’est la grande question. C’est pour l’éloigner de la Chine que votre président a tellement cherché à se rapprocher de la Russie mais le résultat, vous le connaissez.
Les décrets se sont accumulés. Les murs du bureau ovale tremblent encore des menaces proférées contre les importations venues de Chine mais Xi Jinping et son régime n’ont ni cillé ni reculé d’un pas et c’est finalement Donald Trump qui a enterré son épée de bois.
Non seulement la Chine a remporté cette bataille commerciale mais elle cache toujours moins son appui militaire au Kremlin. L’alliance sino-russe s’affirme à la face du monde comme pour mieux proclamer la fin de l’ère occidentale et que fait Donald Trump ?
Durcit-il les sanctions contre Moscou ? Appelle-t-il un chat, un chat et Vladimir Poutine un dictateur menaçant toute l’Europe ? Propose-t-il aux alliés de l’Amérique de resserrer les rangs de l’Alliance atlantique ?
Il va, bien au contraire, répétant que l’Union européenne n’aurait été créée que pour nuire aux Etats-Unis. Il expulse des Vénézuéliens qui avaient cru pouvoir trouver refuge au pays de la liberté et va jusqu’à vouloir interdire à Harvard de continuer à former les élites mondiales. En échec sur tout, l’Ukraine, la Chine, Gaza et le commerce international, il ne trouve rien de mieux à faire que de s’attaquer à l’Europe et à Harvard et vous ne feriez rien ?
Vous ne diriez rien ? Les élus républicains de la Chambre et du Sénat ne se lèveraient pas en nombre pour dire que le roi est nu ? Vous laisseriez votre silence vous associer aux assassins de la liberté ? Attention ! Partout menacée, la démocratie est fragile. Ne la laissez pas détruire aux Etats-Unis.