Cette semaine, Quentin Dickinson, vous avez souhaité mesurer le résultat de l’élection présidentielle française, tel que perçu par les autres Européens…
Pour faire court, ce que nos voisins ont retenu de la présidentielle française, c’est la montée en puissance de l’extrême-droite et de l’extrême-gauche, ainsi que l’effondrement de la droite classique et du pendant de gauche de celle-ci, le Parti socialiste.
Est-ce une tendance générale en Europe ?
Compte tenu de l’érosion, plus ou moins rapide, du pouvoir d’achat et de la défiance vis-à-vis de la classe politique dans son ensemble que l’on constate partout, on pouvait en effet le penser – mais en fait, il n’en est rien.
D’abord, la droite classique n’est moribonde nulle part ailleurs qu’en France : des vingt-six chefs de gouvernement de l’UE, douze se réclament directement ou par apparentement de cette famille politique : deux des trois pays baltes, cinq pays d’Europe centrale et orientale, trois pays méditerranéens, sans oublier l’Irlande et l’Autriche, composent une mosaïque géographique assez bien répartie.
Ensuite, la gauche modérée, après un recul lent depuis le début du siècle, est plutôt aujourd’hui en expansion ; pour prendre le même indicateur que pour la droite classique, c’est-à-dire les chefs de gouvernement, on retrouve des socialistes ou des sociaux-démocrates à ces fonctions-là dans sept pays, trois nordiques, trois méditerranéens, et, bien sûr, en Allemagne.
Pour être complet, droite classique et gauche modérée se retrouvent aussi un peu partout en coalition avec d’autres partis, et même, dans quatre pays, ils gouvernent ensemble.
Et qu’en est-il alors des partis extrémistes ?
En dehors du cas de la Hongrie, où les illibéraux nationalistes de Viktor ORBÁN sont en coalition avec les souverainistes, aucun pays de l’Union européenne n’est gouverné par semblable attelage ; les Polonais, un temps dans la roue des Hongrois, ont discrètement mais fortement réduit leur discours nationaliste, à la fois par peur du gel des fonds européens et en raison de la guerre en Ukraine voisine, qui amène chacun à se serrer les coudes, tant au sein de l’OTAN que de l’UE.
Cependant, des partis d’extrême-droite soutiennent ou participent à des coalitions gouvernementales dans quatre pays, alors que trois pays connaissent des partis d’extrême-gauche ou antisystème installés aux affaires.
Et que peut-on en conclure ?
Ce qu’on voit à l’œuvre, c’est une banalisation de la présence des extrêmes, à gauche, mais surtout à droite, dans les allées du pouvoir central. Mais cette présence se traduit aussi par l’érosion de leur radicalité – et donc, de leur principal attrait auprès d’un électorat revendicateur, forcément déçu et qui a tendance à se tourner, au pis vers l’abstention, au mieux vers l’engagement associatif.
Et, dans tout cela, où en sont les Verts ?
Les écologistes ne dirigent certes aucun gouvernement, mais ils consolident peu à peu leur empreinte, comme ils le font depuis bien longtemps déjà au Parlement européen. Ils ont des ministres en Finlande et au Danemark, en Allemagne et en Autriche, en Belgique et au Luxembourg, ainsi qu’en Irlande, alors que ces jours-ci, en Slovénie, se négocie ce qui pourrait bien s’avérer la première coalition verte-libérale du continent.
Les Verts au pouvoir, mais pas à PARIS – voilà un exemple de plus de l’exception française.