Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.
Cette semaine, QD, vous avez assisté, aux côtés des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN, aux cérémonies du soixante-quinzième anniversaire de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord…
Puisque, vous le disiez, les trente-deux ministres des Affaires étrangères étaient réunis jeudi au siège de l’OTAN, à côté de BRUXELLES, pour fêter cet anniversaire, il paraissait juste à cette occasion d’évoquer la mémoire de leurs lointains prédécesseurs, qui – au nombre de douze seulement – ont signé le Traité de l’Atlantique Nord, ce lundi 4 avril 1949.
Il faisait grand beau temps ce jour-là, la température oscillait entre 13 et 16 degrés, et, de l’avis des diplomates de toutes les époques, le printemps montre WASHINGTON sous ses aspects les plus aimables.
Réunis à l’auditorium du Département d’État, les délégués ont écouté le Président des États-Unis d’Amérique, le démocrate Harry TRUMAN, leur dire sa certitude, ce jour-là et pour l’avenir, « que la volonté des peuples du monde les [conduisait] à aspirer à la liberté et à la paix ». Et de préciser : « Les hommes de courage et de vision peuvent toujours déterminer leur propre destin. Ils peuvent choisir entre l’esclavagisme et la liberté, entre la guerre et la paix – je ne doute pas de leur choix ».
Parmi ces hommes de courage et de vision, on peut supposer que le Président TRUMAN entendait inclure les douze signataires…
Probablement, car, si tous avaient connu les horreurs de la guerre et se consacraient à reconstruire leur pays, économiquement et politiquement, huit d’entre eux cependant sortaient du lot.
Vous pensez à qui, QD ?...
D’abord, au Belge Paul-Henri SPAAK, puissant orateur et auteur délicat. Ministre du gouvernement belge en exil à LONDRES, il s’était attelé dès avant la fin des hostilités à rêver le monde d’après, notamment par la création de la première ébauche d’une Europe institutionnelle, l’Union économique du Benelux, avec les voisins néerlandais et luxembourgeois. En 1945, le voilà tout naturellement Président de la toute jeune Assemblée générale des Nations-Unies. Bâtisseur d’Europe, ce socialiste contribue à la naissance de l’ancêtre de l’Union européenne, la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier, la CECA. Après l’échec de la Communauté européenne de Défense en 1954, il se révèle le moteur du redémarrage de la construction européenne à la Conférence de MESSINE, qui ouvre la voie à la deuxième étape : la Communauté économique européenne, la CEE, ainsi que la Communauté européenne de l’Énergie atomique, EURATOM. Vers la fin des années 1950, il fut très logiquement choisi comme Secrétaire général de l’OTAN.
D’autres noms de signataires vous viennent-ils en tête ?...
Oui, celui du Français Robert SCHUMAN, né à LUXEMBOURG, enfant de l’histoire tumultueuse des marches germaniques de l’Est, et homme des frontières qu’il contribuera sa vie durant à effacer. Ministre des Affaires étrangères, il est l’auteur de la Déclaration du 9 mai 1950 qui porte son nom, dont on considère aujourd’hui qu’il constitue l’acte de naissance de l’Union européenne, perpétuellement construite par étapes successives, telle que nous la vivons aujourd’hui. Par la suite, et par deux fois, Premier ministre, ce catholique centriste fait l’objet, au Vatican, d’un procès en béatification, fait sans précédent pour un chef de gouvernement français (et, a fortiori, pour un Président du Parlement européen, fonctions occupées par lui à la fin des années 1950).
SPAAK, SCHUMAN – et d’autres encore…
En effet, on peut aussi citer l’Italien, le Comte Carlo SFORZA, ardent militant anti-MUSSOLINI, ou le père tranquille et Premier ministre luxembourgeois Joseph BECH, ou encore le banquier néerlandais Dirk STIKKER, ancien patron des Brasseries HEINEKEN et lui aussi futur Secrétaire général de l’OTAN.
Pour être équitable, il faut aussi citer le Canadien Lester PEARSON et le Danois Gustav RASMUSSEN, l’Islandais Bjarn BENEDIKTSSON et le Norvégien Halvard LANGE, le Portugais José CAEIRO da MATTA et le Britannique Ernest BEVIN – sans oublier leur hôte, le chef de la diplomatie des États-Unis, Dean ACHESON.
Ce qu’on retiendra de leurs opinions, de leurs carrières, de leur vision commune, c’est qu’il n’y avait aucune distinction à faire entre la prospérité économique, la démocratie et l’État de droit, et la politique de défense – pour eux, la question ne se posait même pas : ces trois objectifs se nourrissaient les uns les autres, et devaient obligatoirement être menés de front.
Il n’est pas mauvais de se dire qu’il est grand temps de retrouver ces bases de simple bon sens.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.