Quentin Dickinson, vous revenez cette semaine sur la confusion qui a précédé l’invasion russe en Ukraine, période où tout le monde se demandait quand cette invasion, si elle se faisait, allait débuter…
Lorsque, au début du mois de février, chacun a pu constater que la Russie massait une force terrestre d’une ampleur inusitée le long de la frontière orientale de l’Ukraine, les experts – en tout cas, ceux qui fréquentent avec assiduité les plateaux de télévision – se sont mis à évaluer savamment le type de matériel aligné ainsi que les interventions militaires russes précédentes en Syrie, en Géorgie, ou en Crimée.
Pourtant, rares sont ceux qui ont pris la peine de regarder le calendrier, seule manière de prévoir la date d’une éventuelle invasion. Or, le calendrier disait tout : pas question pour les Russes de bouger avant le 20 février, fin des Jeux olympiques de PÉKIN, sauf à indisposer les Chinois, et pas question non plus d’attendre le 1er mars, lorsque s’installe le dégel, qui rend impraticable la circulation des blindés à travers champs.
Par conséquent, les Russes disposaient d’une fenêtre de tir (si l’on peut dire) particulièrement limitée, d’une petite dizaine de jours à peine, pour mener à bien leur invasion. Clairement, le Kremlin misait tout sur une guerre-éclair : les chars d’assaut et les lance-roquettes multiples en grand nombre et en première ligne, chargés de briser une résistance ukrainienne tenue pour improbable, et un approvisionnement minimum en munitions, en carburant, et en denrées alimentaires.
On connaît la suite : l’armée ukrainienne avait fait de très importants progrès en matériel et en formation depuis sa déroute de Crimée en 2014, et la guerre-éclair n’a pas eu lieu.
Sachant qu’un blindé chenillé consomme, selon les modèles, entre quatre et huit litres de gazole par kilomètre, et n’emporte qu’une vingtaine d’obus, sans oublier que les soldats mangent trois fois par jour, l’échec était programmé et prévisible, tant l’intendance ne suivait pas (et, d’ailleurs, ne suit toujours pas).
Il suffisait donc de regarder le calendrier.
Alors, est-il toujours aujourd’hui aussi utile de garder un œil sur le calendrier ?...
Sans aucun doute ! Car, voyez-vous, l’on s’approche de la Pâque orthodoxe, que fêtent à la fois les Russes et les Ukrainiens. Compte tenu du grand cas que fait Vladimir POUTINE de l’Église orthodoxe, il serait surprenant qu’il continue à guerroyer en cette période sainte, comme si de rien n’était. Plus probablement proposera-t-il une trêve provisoire, entre le dimanche des Palmes le 17 avril et le lundi de Pâques le 25, trêve que les Ukrainiens ne pourront qu’accepter. Évidemment, le Président ZELENSKY sait parfaitement que ses adversaires russes en profiteraient pour regrouper leurs forces, les rééquiper, et les ravitailler. Les Ukrainiens en feront donc tout autant, en répartissant entre leurs unités les très importants stocks d’armes antichar et anti-aériennes que leur fournissent les Occidentaux.
Et, sauf divine surprise, les hostilités reprendront alors à un haut niveau d’intensité.
Et le calendrier dit-il encore autre chose ?...
Oui. Il dit que Vladimir POUTINE doit impérativement pouvoir annoncer une victoire, même ténue, surtout invérifiable, au plus tard pour le 9 mai, date des grandes commémorations annuelles de la fin de la Seconde guerre mondiale en 1945.