Cette semaine, Quentin Dickinson, vous compter nous dresser la liste des points chauds, particulièrement préoccupants pour l’Union européenne et pour ses pays-membres et leurs voisins, c’est bien cela ?
Une liste malheureusement non-limitative, voyez plutôt :
Au Proche-Orient, le conflit armé de haute intensité entre un mouvement terroriste, le Hamas, et Israël, une démocratie parlementaire, ne s’éteindra vraisemblablement pas de sitôt ; aucune issue négociée n’y est envisageable, alors qu’au contraire, la crainte paraît fondée d’une implication croissante d’un autre groupe terroriste, le Hezbollah, installé dans le sud du Liban, sans qu’on puisse exclure un soulèvement de la population palestinienne en Cisjordanie.
Dans le Caucase, la reprise récente du Haut-Karabagh par l’armée azerbaïdjanaise déstabilise le gouvernement d’une démocratie parlementaire, l’Arménie. Fort de son succès, le gouvernement de l’Azerbaïdjan, un État autocratique dirigé depuis trente ans par la même famille, pourrait s’enhardir à imposer un couloir d’une quarantaine de kilomètres à travers le territoire de l’Arménie vers l’exclave azerbaïdjanaise du Nakhitchévan, sous l’œil approbateur du grand voisin turc. D’ailleurs, les présidents turc, ERDOĞAN, et azerbaïdjanais, ALIEV, ont choisi le Nakhitchévan pour y tenir leur sommet bilatéral il y a trois semaines.
Sans oublier, évidemment, les affrontements militaires en Ukraine
En Europe de l’Est, la guerre déclenchée par l’invasion par la Russie, un État totalitaire, de l’Ukraine, une démocratie parlementaire, atteint les 600 jours et promet de se poursuivre encore longtemps.
En Mer baltique, un sabotage sous-marin vient d’endommager un câble de télécommunications ainsi qu’un gazoduc, tous deux reliant la Finlande à l’Estonie, deux démocraties parlementaires membres de l’OTAN et de l’Union européenne, selon un scénario rappelant étrangement les dégâts infligés naguère aux gazoducs Nord-Stream I et II, situés également dans la Baltique, plus au sud.
En Afrique subsaharienne, une succession de putschs a installé des régimes militaires au Mali, au Niger, en Centrafrique, au Burkina Faso, au Soudan, en éliminant l’influence des pays européens au bénéfice des mercenaires russes du Groupe WAGNER.
Et tout cela, sur fond de paralysie parlementaire et de clivage profond de l’électorat aux États-Unis, sérieusement entravés dans leur rôle traditionnel de superpuissance stabilisatrice.
La question évidente, dans ce catalogue de mauvaises nouvelles, c’est : mais à qui donc cela profite-t-il ?
Je sens que vous vous êtes retenue de dire à qui profite le crime ? En fait, c’est bien en ces termes-là qu’on peut se poser la question.
Au Proche-Orient, le Hamas et le Hezbollah sont armés, formés, et conseillés par l’Iran, désormais allié de la Russie. Déferlant en pleine fête religieuse en Israël, les attaques provenant de la Bande de Gaza sont aussi bien conçues tactiquement que politiquement. Il serait dès lors étonnant qu’à TÉHÉRAN, comme à MOSCOU, tout le monde ait été pris de court.
On peut appliquer le même raisonnement aux autres foyers d’instabilité. Tout converge vers un intérêt bien compris de la Russie d’encourager les affrontements, où qu’ils se passent, et de les accompagner par une inlassable désinformation dans les médias et dans le cyberespace.
Alors, pour résumer : nous, les Européens, nous assistons en spectateurs à l’émergence d’un monde nouveau, ou s’affrontent les géants du moment : la Chine et l’Inde, soutenus par des régimes autoritaires généralement peu fréquentables selon nos valeurs et principes, alors que notre allié américain de toujours sombre dans une dangereuse introspection.
Avec l’Europe, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, et le Japon, l’espace démocratique mondial se réduit comme peau de chagrin, sans que, insouciantes, nos populations paraissent bien mesurer leur chance aujourd’hui – et les risques de demain.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.