Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.
Cette semaine, Quentin Dickinson, vous voulez nous rappeler que les élections législatives françaises ne se jouent pas seulement en France métropolitaine et ultramarine, mais aussi partout ailleurs dans le monde, c’est cela ?
Comme 1 million 692.977 autres citoyens actuellement recensés par les Consulats de France, je suis un Français de l’étranger. Pour être complet, je précise que nous sommes en fait probablement près des trois millions, tous nos compatriotes ne prenant pas la peine d’aller s’inscrire au consulat, en particulier si celui-ci est éloigné ou si l’on est étudiant, sans intention de s’installer dans le pays étranger, une fois diplômé.
… et vous avez des droits électoraux…
Les Français expatriés ont le droit de vote à l’élection présidentielle ainsi qu’aux référendums. S’ils ont conservé une adresse en France, ils peuvent aussi participer aux élections régionales et locales. Pour ce qui est des élections européennes, s’ils habitent dans un pays de l’UE, ils doivent choisir : ou bien voter pour une liste dans ce pays ou alors apporter leur soutien à une liste en France (mais pas les deux, comme on a pu le constater avant que les échanges d’informations électroniques entre pays européens deviennent automatiques).
Mais vous disposez aussi de droits politiques supplémentaires…
En effet. Pour les élections législatives, le monde est divisé en onze circonscriptions, qui élisent chacune un député. De plus, nous élisons au suffrage universel direct des délégués et des conseillers consulaires, ces derniers élisant à leur tour les douze sénateurs représentant les Français de l’étranger…dont la circonscription est la planète entière.
On imagine qu’il y a des pays ou des régions du monde qui attirent plus que d’autres le migrant français, Quentin Dickinson ?...
Oui, le continent européen arrive largement en tête, avec plus de 48 % des expatriés français, devant 21 % aux Amériques, 15 % en Afrique du Nord et au Proche-Orient, 8 % en Asie-Océanie, et 7 % seulement en Afrique subsaharienne et dans l’Océan indien.
Par pays – et cela peut étonner – c’est la Suisse qui abrite le plus grand nombre de Français, suivie à distance par les États-Unis, puis le Royaume-Uni (malgré le Brexit), devançant la Belgique, précédant le Canada.
Les élections législatives, c’est maintenant ; alors, comment cela se passe-t-il chez les expatriés ?...
Compte tenu de l’urgence - vu les délais très courts cette fois-ci - outre le vote traditionnel à l’urne, organisé par les consulats, et le vote par correspondance, nous sommes autorisés à voter par voie électronique.
En dépit de quelques difficultés à accéder au logiciel du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères pour certains compatriotes, notamment au Royaume-Uni, au Canada, et à Singapour, cela paraît plutôt bien se passer.
Est-ce qu’il existe un comportement-type de l’électeur français expatrié ?...
Non, en tout cas pas à l’échelle mondiale. Généralement, les Français s’expatrient en conservant leur orientation politique d’origine ; il est vrai, cependant, qu’en Europe, ils peuvent être influencés par la vie publique du pays d’accueil.
Le résultat définitif des législatives actuelles sera intéressant à examiner, étant donné que, contrairement à ce que les sondages laissent présager des intentions des Français de France, les Français de l’étranger se situent plutôt dans l’arc modéré du centre-gauche au centre-droit.
Et chez vous, à BRUXELLES, comment à l’heure qu’il est, s’est déroulée la campagne ?...
Je suis électeur de la 4e circonscription des Français établis hors de France, circonscription qui regroupe les trois pays du Benelux. Depuis sa création, nous n’avons connu que deux députés : le premier, un socialiste, et l’actuel, un centriste, qui se représente.
Tout le monde a été pris de court, mais cela n’a pas découragé les candidatures : il y en a pas moins de neuf. Ayant scrupuleusement fait mon travail de citoyen-électeur, je puis vous révéler une partie au moins du choix étonnant livré à mon bon vouloir électoral : d’abord, une étudiante bordelaise de dix-huit ans n’ayant jamais mis les pieds au Benelux ; ensuite une spécialiste des tracts aux photos outrancièrement retouchées, partisane de la majorité parlementaire – on ne sait pas s’il s’agit de celle d’avant ou de celle d’après, en tout cas, elle ratisse large ; puis une tonnelière du Saône-et-Loire ; suivie d’une styliste de mode franco-suisse qui déclare avoir été ‘plusieurs fois’ touriste au Luxembourg ; je n’oublie pas le producteur de cognac, soutenu par un ancien ministre et une récente tête de liste, ni sa concurrente, une professionnelle de l’associatif, curieusement soutenue par les mêmes ancien ministre et récente tête de liste, comprenne qui pourra.
Voilà – le Benelux doit être particulièrement merveilleux pour attirer autant de candidats au parachutage ; cela n’a sûrement rien à voir avec sa proximité géographique avec la France.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.