L'édito européen de Quentin Dickinson

Au cœur des familles royales d'Europe

© European Union 1992 - EP Au cœur des familles royales d'Europe
© European Union 1992 - EP

Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.
Cette semaine, QD, vous voulez prendre un peu de hauteur et nous emmener dans les palais des familles royales d’Europe…

Chacun a encore en tête les obsèques de la Reine Elizabeth II du Royaume-Uni, ainsi que l’abdication de Margrethe II, Reine de Danemark, deux événements dont le caractère rarissime ne suffit pas à expliquer l’engouement pour la monarchie de la part des Français en particulier, mais aussi des autres citoyens européens de pays à régime républicain.

Pour quelles raisons au juste, alors ?...

Cela tient d’abord à la fascination dérivée de la contemplation des fastes et du protocole séculaire qui entourent la vie d’un souverain régnant et des membres de sa famille. C’est comme dans les films, pense-t-on, mais en mieux, puisque c’est du vrai.

Ensuite, les Français sont collectivement nostalgiques de périodes anciennes, et donc forcément glorieuses, de leur histoire : Louis XIV rivalise avec Napoléon Ier dans leurs souvenirs scolaires, et la France de la Ve République a réussi à concevoir un modèle constitutionnel inédit, qu’on pourrait décrire comme une monarchie élective et quelque peu de droit divin.

Un principe quasi-incontesté chez les historiens comme chez les juristes, c’est que, chez nous, les régimes peuvent se succéder, mais que la France, elle, est éternelle. Pour cette raison, chaque régime est héritier des pouvoirs et des compétences des régimes précédents, que les dirigeants du moment choisissent de s’en prévaloir ou pas.

Que voulez-vous dire par là ?...

On n’imagine certes pas Emmanuel MACRON tenté de guérir des écrouelles par apposition de la main droite sur le crâne des malades ; mais on rappellera que le Maréchal de MAC-MAHON, deuxième Président de la IIIe République, a anobli une demi-douzaine de familles, et, que, de nos jours, le Ministre de la Justice autorise régulièrement le relèvement, par des apparentés indirects, du nom de familles nobles, le plus souvent éteintes en ligne directe. Le Général de GAULLE, quant à lui, avait donné pour instruction aux officiers de l’état-civil de faire figurer explicitement sur les documents d’identité des chefs des trente-cinq familles ducales leur titre de duc.

Mais l’attrait pour tout ce qui touche à la monarchie, c’est surtout une affaire de pipol, non ?

On pourrait le croire, quand on apprend que la Grande-Duchesse de Luxembourg (à l’origine une émigrée cubaine) avait, il y a une vingtaine d’années, convoqué les rédacteurs-en-chef de toute la presse luxembourgeoise pour se plaindre de sa belle-mère, la Grande-Duchesse douairière Joséphine-Charlotte, qu’elle a choisi – notamment – de traiter d’alcoolique mondaine.

Maria Teresa de Luxembourg n’est pas la seule pièce rapportée à comprendre difficilement le rôle qu’on attend d’elle.

Pourtant issue de l’une des plus vieilles familles nobles d’Angleterre, la Princesse Diana s’était crue vedette du monde du spectacle ; à dire vrai assez sotte, Lady Di pensait, en attendant d’être reine, qu’elle devait faire la une des quotidiens à grand tirage, entre Kim KARDASHIAN et un joueur de football.

Naître dans une famille royale ne met cependant pas à l’abri de lourdes erreurs de jugement : ainsi en va-t-il du Prince Harry, époux de la starlette étatsunienne Meghan MARKLE, reine de l’autopromotion bien-pensante, ou encore de son oncle, le Prince Andrew, aux fréquentations galantes particulièrement sulfureuses. L’un et l’autre sont inconscients des dégâts qu’ils provoquent à l’image d’une monarchie parlementaire au XXIe siècle.

Mais, justement, qu’est-ce que vous comprenez exactement sous cette appellation de monarchie parlementaire au XXIe siècle ?

C’est un système de gouvernement démocratique, ni plus, ni moins. Il n’a pas à être annexé par le showbiz ni à concurrencer le bling-bling. C’est un gage de stabilité au sommet forcément apolitique d’un État ; feu le Prince-consort Henrik de Danemark me disait que, pour lui, la monarchie est aussi une famille de référence, qui connaît des joies et des peines qu’elle partage avec les autres familles du royaume, et que l’apprentissage d’une véritable bienveillance permanente, sans tomber dans l’empathie de façade, est un défi quotidien dont on ne prend jamais sa retraite.

On ajoutera que peu d’envieux tiendraient le rythme des discours dans plusieurs langues, des visites, des inaugurations, des consultations politiques avec le gouvernement et avec l’opposition, des réceptions de chefs d’État étrangers, du suivi dans le moindre détail de l’actualité – et cela, plus de trois cents jours par an.

Un avantage du régime monarchique, c’est qu’il permet d’éviter le coût et le côté clivant d’une élection présidentielle tous les quatre, cinq, ou six ans.

Enfin, n’oublions jamais qu’en Europe, pas moins de treize pays ou territoires sont sous régime monarchique, dont six sont membres de l’Union européenne.