Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.
Cette semaine, QD, vous avez ajusté votre casque de chantier et chaussé vos bottes de caoutchouc, c’est bien cela ?...
Depuis des millénaires, la transformation d’un bâtiment s’effectuait le plus souvent en réutilisant les matériaux qui avaient servi à la partie démolie à cette occasion. Cela valait aussi bien pour les chaumières que pour les palais.
Depuis des millénaires, certes, mais cette sage pratique s’est progressivement réduite vers la fin du XIXe siècle, avec l’avènement des briqueteries industrielles, de la taille mécanique des pierres, et des structures portantes métalliques. La généralisation rapide du recours au béton aura ensuite accéléré la disparition définitive du réemploi des matériaux de construction.
Mais que fait-on alors de ces matériaux condamnés au rebut ?...
Ils conservent une certaine utilité, notamment pour le comblement des mines, les remblais routiers et ferroviaires, la construction de digues, ou la consolidation du littoral.
Mais ces utilisations ne font en rien appel à leurs inaltérables qualités premières de solidité et de filtrage thermique.
Mais vous pensez qu’il faut aujourd’hui revoir l’utilisation de ces matériaux, QD ?...
Je le pense en effet, mais je le constate aussi : un certain nombre d’ingénieurs, d’architectes, de professionnels du secteur des BTP en Europe s’intéressent à nouveau à valoriser ces éléments, dont le tarif – bien modeste – se calcule en vrac et à la tonne, l’enlèvement sur chantier s’effectuant généralement aux frais du vendeur. …/…
On suppose que cela conduit à constituer des stocks énormes de matériaux, en attendant que le client se présente, non ?...
Non, c’est tout l’inverse. Il s’agit de tenir en continu la liste des futurs chantiers de démolition, en allant consulter les registres municipaux des demandes et en prenant langue avec les promoteurs, avant d’aller voir sur le terrain quelles parties du bâtiment, toujours debout, seraient aptes à connaître une nouvelle vie.
Ensuite, on nourrit sur l’Internet un catalogue, lui aussi en évolution permanente, ou figurent la nature des matériaux, leurs caractéristiques techniques et d’aspect, et la date vraisemblable de leur disponibilité.
Pour les matériaux anciens, un minutieux travail d’enquête est parfois nécessaire pour retrouver le détail d’un coëfficient de résistance ou du type de mortier préconisé par le fabricant de l’époque.
Et, surtout, il faut se faire connaître des grandes entreprises de construction et de démolition, seules capables d’intégrer cette fonction nouvelle dans leurs routines professionnelles. Elles trouvent d’ailleurs leur compte dans l’opération, à la fois par les économies d’enlèvement et de traitement (on ne décharge plus n’importe quoi n’importe où), et par la publicité d’éco-responsabilité dont elles peuvent se prévaloir.
Mais ce système ne repose pas uniquement sur les matériaux de réemploi, QD…
En effet. L’autre composante majeure, ce sont les surplus. Comme chacun a pu le constater, grandes ou petites, les entreprises de construction commandent systématiquement trop de matériaux, afin d’éviter que, par rupture d’approvisionnement, leurs chantiers se retrouvent en arrêt technique. Et, à la fin des travaux, les matériaux neufs, mais désormais sans utilité, rejoignent souvent le lot des matériaux au rebut.
On ajoutera une troisième source disponible que sont les déstockages annuels des fournisseurs de matériaux neufs.
Quel avenir cette filière peut-elle avoir ?...
Il ne faut pas s’imaginer qu’elle produira de puissantes multinationales – au contraire, il s’agit d’une activité qui sera le plus à l’aise dans le cadre d’une grande agglomération, d’un département, ou tout au plus d’une région, mais pas au-delà. Il s’agit en effet de réduire les coûts de transport (donc : la distance) et de favoriser une main-d’œuvre locale.
Mais ce système de revalorisation est très vraisemblablement promis à un bel avenir, car il est très en phase avec les objectifs écologiques et de lutte contre le gaspillage des ressources que poursuit l’Union européenne.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.