Thibault Besnier est assistant académique du département d’études politiques et de gouvernance européennes (POL) du Collège d’Europe. Originaire d’Avignon, diplômé de Sciences Po Grenoble en Gouvernance Européenne et du département POL du Collège d’Europe, il est spécialisé dans les politiques publiques européennes de l’énergie. Il est l'auteur d'un mémoire dédié à la stratégie hydrogène de la Commission, ainsi que d'un autre à l’évolution des directives énergies renouvelables (RED)
Thibault Besnier, que fait l’Union Européenne face à une crise énergétique grave. Nous entendons de plus
en plus parler des énergies renouvelables comme une solution face à la crise. Qu’est-ce qu’a fait
l’UE jusqu’à présent pour soutenir le développement de ces énergies ?
Cela fait longtemps que l’Union intervient pour soutenir les énergies renouvelables, par exemple la première directive majeure dédiée à promouvoir leur développement date de 2001 et on a ensuite eu des directives, appelées « RED », qui ont suivi. A côté de cela, l’Union a mis en place d’autres outils tels que la finance verte et la taxonomie.
Depuis le pacte vert, et surtout depuis la crise en Ukraine, l’Union Européenne a vraiment accru son soutien au développement des renouvelables. Par-exemple le Parlement et la Commission soutiennent désormais un objectif de 45% de renouvelables dans la consommation finale d’énergie européenne d’ici 2030, afin de remplacer le gaz naturel russe.
Mais est-ce assez pour faire face à la crise actuelle ?
Et bien pas vraiment. D’abord, toutes ces politiques que j’ai citées, se sont mises en place assez récemment et surtout de manière très progressive. Par exemple, l’objectif actuel de la part de renouvelables pour 2030 avait été mis en place en 2018. A l’époque, il s’agissait de 32%, soit une augmentation de 12 points de pourcentages par rapport à l’objectif fixé pour 2020. La nouvelle directive énergies renouvelables nous conduirait à une part de 45%, ce qui est plus conséquent, mais elle n’est pas encore adoptée.
Ensuite, viennent la question du coût et de la maturité des technologies renouvelables : 210 milliards d’euros supplémentaires seront nécessaires d’ici à 2027 pour que l’UE sorte de sa dépendance au gaz russe. Et ce, alors que la stratégie de la Commission repose sur le déploiement d’un nouveau gaz, l’hydrogène, dont la production en Europe reste très faible.
Enfin, le développement des renouvelables fait face à un obstacle majeur depuis les années 2010, à savoir, les procédures d’obtention de permis de construire. Car depuis 2015 environ, le prix de construction des éoliennes ou des panneaux solaires par exemple a chuté, à tel point que les énergies vertes sont les plus rentables du marché aujourd’hui. Mais leur développement est bloqué par ces procédures, souvent très longues, qui visent à protéger la faune et la flore. Elles sont aussi souvent ralenties par le mécontentement des populations voisines des projets de construction.
Il faudrait donc choisir entre protection de la biodiversité et sortie de la dépendance au gaz
russe, et plus largement, aux énergies fossiles ?
En quelque sorte, oui. Actuellement, la Commission cherche à accélérer les procédures
d’obtention de permis pour faire face à la crise énergétique, tout en assurant la protection de
l’environnement. Par exemple, les promoteurs de projets de renouvelables doivent entreprendre
des actions de protection de l’environnement ou de « compensation » : re-développer ailleurs un
écosystème détruit par le projet. Mais dans une Europe avec 45% d’énergies vertes, contre 20%
aujourd’hui, il faudra faire un arbitrage entre vitesse et respect de la biodiversité.
D’autres arbitrages seront aussi inévitables, par exemple sur les matières premières nécessaires au
développement des renouvelables : d’où devront-elles venir ? Et à quel coût pour l’UE et ses Etats ?
Sortir de la crise énergétique actuelle, tout comme faire la transition écologique ne sera donc pas
chose aisée, puisque de nouvelles problématiques environnementales et de souveraineté vont se
poser pour l’UE et ses Etats.
Entretien réalisé par Laurence Aubron