Le 13 septembre s’est tenu à Strasbourg
l’important discours sur l’état de l’Union, destiné à
dresser le bilan de l’année dernière et à fixer les objectifs
pour la suivante. Ursula Von der Leyen a présenté un programme
précis. Parmi les nombreux points abordés : la politique
commerciale commune.
Ce sujet apparaît, d’après le discours de la présidente de la Commission, comme central, car les motivations traditionnelles, visant à favoriser les intérêts économiques et les entreprises à travers l’ouverture réglementée de nouveaux marchés, sont associées à la diffusion des valeurs de l’Union et à une nouvelle perspective stratégique.
En effet, en ce qui concerne certains secteurs stratégiques (comme l’énergie ou les domaines liés aux nouvelles technologies), la question se pose en termes de préservation de la souveraineté.
Si la Chine ou la Russie ne garantissent pas l’exportation de semi-conducteurs ou de pétrole et de gaz, elles essaient néanmoins de nuire aux systèmes de production européens et, donc, de nous mener ce qui s’apparente à une « guerre commerciale ».
La politique commerciale européenne est actuellement confrontée à des défis majeurs. Quels sont-ils ?
La défaillance des marchés mondiaux (qui s’est manifestée avec les crises internationales récentes, notamment la pandémie de Covid-19) a fait du renforcement de la sécurité économique de l’Europe un objectif pressant de la politique commerciale européenne.
Un défi absolument central serait alors, par-exemple, la fourniture de matières premières essentielles, dont le manque, dans l’économie moderne, est tel que la souveraineté est remise en question.
Cette question n’est cependant pas nouvelle, et a été commentée par de nombreux.ses femmes et hommes politiques…
Tout à fait !
Dans son dernier édito, à la veille de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’ancienne secrétaire d’État américaine Madeleine Albright anticipait déjà l’une des conséquences négatives les plus importantes de l’invasion russe : la rupture d’approvisionnement en matières premières essentielles (dans ce cas, le gaz russe). Albright décrivait l’invasion de l’Ukraine comme constituant « une incitation pressante pour l’Europe à réduire sa dangereuse dépendance à l’égard de l’énergie russe ».
Le sujet a été d’ailleurs parfaitement analysé par Mario Draghi dans sa dernière contribution publiée dans The Economist le 6 septembre dernier, quelques jours avant que la présidente de la Commission lui confiât la préparation d’un rapport sur la compétitivité de l’Europe.
L’ancien président de la BCE a déclaré que les politiques qui ont assuré la prospérité et la sécurité de l’Europe dans le passé - la dépendance à l’égard des États-Unis pour la sécurité, de la Chine pour les exportations et de la Russie pour l’énergie - sont devenues insuffisantes, incertaines voire inacceptables.
Quelles prochaines étapes pouvons-nous attendre ?
Ursula von der Leyen fixe de nouvelles orientations à partir des expériences récentes, tout en réclamant une stratégie commune, une Europe unie, ce qui a permis à l’Union d’utiliser la crise pour investir massivement dans les énergies renouvelables et accélérer la transition vers l’énergie propre.
Dans ces termes, le sujet a été abordé dans le rapport annuel 2022 sur la mise en œuvre de la politique étrangère du Parlement européen avec la requête expresse de la Commission européenne de prendre « des initiatives visant à renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement stratégiques et des infrastructures critiques de l’Union ». L’accent est également mis sur le besoin « de renforcer les propres capacités de l’Union en coopération avec des partenaires attachés aux mêmes principes ».
La politique commerciale européenne est donc appelée à poursuivre de nouvelles priorités politiques de l’UE, qui sont progressivement passées d’une large coopération multilatérale au sein de marchés mondialisés à des partenariats stratégiques plus strictement définis avec des pays occidentaux et des voisins avec la même attitude, qui sont plus proches en termes de politique et de valeurs.
Une émission de Filomena Ratto.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.