L'Europe vue de Bruges

Les défis de la diplomatie publique de l'UE

Les défis de la diplomatie publique de l'UE

Simon Vanderlinden (BE) est étudiant en études politiques et de gouvernance européennes au Collège d’Europe. Il est diplômé d’un Master en relations publiques et affaires européennes de l’Institut des Hautes Études des Communications Sociales (IHECS) de Bruxelles et a également étudié à l’Université Laval au Québec. Durant son bachelier en communication, Simon a dirigé la communication et les stratégies marketing de plusieurs start-up belges. Il a aussi réalisé un stage à l’Ambassade de Belgique à Washington D.C. au sein du département politique et de diplomatie publique.

Pourriez-vous nous rappeler en quoi consiste la diplomatie publique et nous dire si l'Union européenne en fait usage ?

Une définition simple et basique de la diplomatie publique est celle d’efforts diplomatiques déployés par un pays pour gagner l'opinion favorable des publics étrangers. Selon le célèbre théoricien des relations internationales Joseph Nye, l’objectif ultime de la diplomatie publique est d'accroître son soft power. On peut tout à fait affirmer que l’UE fait usage de diplomatie publique. L’Union – au travers de ses activités de diplomatie publique - cherche surtout à promouvoir ses intérêts et à expliquer clairement les objectifs, les politiques et les activités de l'UE en favorisant la compréhension de ces objectifs par le dialogue avec les citoyens, les groupes, les institutions et les médias – en Europe et dans le monde.

Pouvez-vous nous décrire la particularité de la diplomatie publique de l’UE ?

On le sait, la spécificité de l’Union, et par extension, de sa politique étrangère et de sa diplomatie publique, s’organise à plusieurs niveaux entre une variétés d’acteurs politiques et de multiples organes décisionnels tant au niveau national que supranational. C’est ce qui rend parfois la tâche plus compliquée pour l’UE de communiquer d’une seule et même voix auprès de publics internationaux. Les délégations de l'UE parviennent néanmoins à mener diverses activités de diplomatie publique dans les pays tiers, de la gestion de sites web dans les langues locales à l'organisation d'événements et à des dialogues avec les acteurs de la société civile.

Quels sont les défis posés à l'UE lorsqu'il s'agit de diplomatie publique ? 

L'un des facteurs qui complique la diplomatie publique de l'UE est que, historiquement, elle a été principalement tournée vers l'intérieur, vers ses États membres et d’autres pays de notre continent. Comme le décrit Simon Duke, dans le cas de l'UE, les aspects internes de la diplomatie publique font partie intégrante des récits qui sont également utilisés à l'extérieur. Cette fusion des aspects internes et externes des politiques a également été qualifiée d'intermestique(c’est-à-dire qui mélange les aspects internationaux et domestiques d'une politique ou d'une question) et ceci s'applique tout particulièrement à la diplomatie publique de l'UE.

Et qu’en est-il de la compréhension des publics étrangers de l’Union européenne ?

Les complexités structurelles et procédurales de l'UE posent un autre défi de taille pour sa diplomatie publique. En conséquence, comme nous le révèle Bianca Baumler qui a travaillé pendant plus de 10 ans au sein des institutions sur ces questions, les diplomates de l'UE se retrouvent très souvent à devoir fournir des informations de base sur l'UE avant de pouvoir s'engager sur le plan politique.

Comment l’Union peut-elle évaluer l’efficacité de sa diplomatie publique ?

Les résultats de campagnes de diplomatie publique de l’UE restent aussi très compliqués à mesurer en termes d’efficacité – ce qui constitue un défi supplémentaire pour l’Union. Il est beaucoup plus aisé de mesurer les résultats quantitatifs d'un événement de diplomatie publique, tels que le nombre de participants ou l'éventail des retombées presses générées. Il est bien plus difficile, par contre, de mesurer l'apprentissage culturel, les changements de mentalité et la disparition des clichés qui peuvent se produire à la suite de développements de concepts et d'engagements informels.

Pouvez-vous nous donner un exemple d’une campagne de diplomatie publique réussie de l’UE ?

Nous pouvons en effet mentionner plusieurs initiatives de diplomatie publique qui portèrent leurs fruits, en impliquant notamment la société civile. Les nombreuses actions menées dès 2016 par l’Union européenne au travers de sa délégation à Hong Kong ont permis d’avancer vers plus de protection juridique pour les LGBT et le rôle de l’UE fut très important dans ce contexte.

Et que peut-on attendre de la diplomatie publique de l'Union européenne dans les années à venir ?

L'UE a reconnu la nécessité de renforcer sa diplomatie publique, car il existe encore un écart important entre ses réalisations et la perception qu'en a le public. Par exemple, l’UE est le premier pourvoyeur mondial d’aide humanitaire alors que la majorité des personnes considèrent cette aide comme plus faible par rapport à l’ONU ou au World Food Program.

En octobre 2016, les ministres des affaires étrangères des EM de l’UE ont décidé que la diplomatie publique devait être l'une des priorités stratégiques pour la mise en œuvre du EU Global Strategy. Ils ont souligné que les initiatives de diplomatie publique sont également essentielles pour accroître la compréhension et l'engagement autour des priorités clé de l'UE décrites dans le EU Global Gateway, qui permettront de réaliser des projets durables et de qualité pour les communautés locales, conformément aux intérêts et aux principes de l’UE.

Peut-on dès lors s’attendre à une nette amélioration de la diplomatie publique de l’UE ?

L'Union a réellement le potentiel d’impliquer des publics étrangers, de renforcer le dialogue, et, au travers d’initiatives de diplomatie publique, l'UE peut acquérir un statut d'acteur majeur dans l'élaboration de normes mondiales dans des domaines tels que les énergies renouvelables ou l’égalité des sexes. On peut s’attendre à un vrai développement de la diplomatie publique de l’Union ou bien à une stagnation. Les budgets serrés de diplomatie publique de l’UE, les longues procédures d’appel d’offres et les critiques de certains membres du personnel des institutions quant aux coûts élevés des agences de relations publiques et de communication constituent encore de solides freins à ces développements.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.