Nouveau rendez-vous dans le studio d'Euradio Paris. Chaque mois, les Jeunes Européens se penchent sur un thème et le décryptent. En octobre, c'est Guillaume des Jeunes Européens Sciences Po qui analyse la situation après les élections législative en Pologne.
Euradio : Les élections législatives en Pologne ont abouti à une victoire nette de l’opposition pro-européenne : un résultat qui pourrait faire bouger les rapports de forces politiques au sein du Conseil européen.
Guillaume des Jeunes Européens : Absolument, c’est pour cela que les résultats des élections en Pologne, dimanche 15 octobre, ont été accueillis avec un grand soulagement par les dirigeants de l’Union européenne. En cumulant 53% des suffrages et 248 sièges sur les 460 de la Diète - le Parlement polonais - les partis pro-européens devraient être en mesure de former une coalition et ainsi mettre un terme à huit années de pouvoir du PiS, le parti ultra-conservateur Droit et Justice qui a fait basculer la Pologne et ses 40M d’habitants dans l’illibéralisme.
La victoire des pro-européens ouvre la voie à la réconciliation entre le gouvernement polonais et la Commission européenne, qui avait suspendu un certain nombre de fonds européens destinés à la Pologne, au motif du non-respect de l’Etat de droit : on parle tout de même de 35 milliards d’euros. Ainsi, le futur gouvernement, qui sera sans doute dirigé par l’ancien Président du Conseil européen Donald Tusk, aura la lourde tâche de réhabiliter l’indépendance de la justice, des médias ou encore de revenir sur la quasi-interdiction du droit à l’avortement, autant de réformes essentielles à la cohésion de l’Union européenne ou au respect de son droit.
Euradio : Mais il ne faudrait pas non plus s’attendre à des miracles de la part du futur gouvernement polonais, il y a plusieurs obstacles à franchir.
Guillaume des Jeunes Européens : Oui, et le principal d’entre eux est le Président polonais en personne. Andrzej Duda reste un grand soutien du PiS, et il a récemment vu ses pouvoirs être renforcés. Désormais, il dispose d’un droit de veto sur les décisions gouvernementales. Autre nouveau pouvoir du Président polonais : il peut désormais revendiquer le droit de siéger au Conseil européen à la place du Premier ministre. Ainsi, Donald Tusk et ses alliés seront contraints de chercher le compromis avec le Président Duda pour éviter les blocages. Ce sera notamment le cas en matière d’immigration, sujet sur lequel Tusk a promis à ses électeurs de ne pas faire de cadeau aux autres pays européens.
Il faut aussi mentionner que les trois forces politiques victorieuses représentent un spectre politique élargi, allant de la gauche radicale à la chrétienne-démocratie. Elles devront donc se mettre d’accord sur un programme de gouvernement commun, ce qui ne sera pas si aisé. Bref, il ne faut pas non plus s’attendre à un virage à 180° de la part de la Pologne sur l’ensemble des sujets qui préoccupent les 27.
Euradio : Certes la Pologne sort de l’illibéralisme, mais les récentes élections en Slovaquie laissent craindre un glissement illibéral d’un nouveau pays d’Europe centrale. Finalement, les rapports politiques en Europe ne vont pas beaucoup changer ?
Guillaume des Jeunes Européens : On pourrait le voir comme cela. Certes, le glissement de la Slovaquie peut inquiéter. Ce pays va devenir le meilleur allié d’Orban, et empêcher les dirigeants européens de sanctionner les dérives de la Hongrie par le biais du fameux Article 7 qui permet de suspendre un pays du Conseil européen. C’était le rôle que remplissait jusque-là la Pologne gouvernée par le PiS.
Mais la grande leçon de ce mois d’octobre semble vraiment venir de Pologne. On sait désormais qu’il est possible de sortir de l’illibéralisme et que les électeurs sont prêts à se mobiliser massivement pour cela. Aucun doute que, dans quelques années, les Slovaques sauront s’inspirer de leurs voisins polonais.
Rendez-vous en novembre pour une nouvelle chronique des Jeunes Européens !