Comment a été menée la lutte contre le glyphosate au niveau local ? Quelle a été l’évolution des législations en la matière ces dernières années ? Quelles solutions mettre en place pour aider les agriculteurs qui ne souhaitent plus utiliser ce pesticide autorisé, pour le moment, jusqu’au 15 décembre prochain dans l’Union européenne ? Réponses avec Florence Pression, adjointe au maire de Sceaux en Ile de France et présidente du collectif des maires anti-pesticides.
Le vendredi 13 octobre 2023, les 27 Etats membres n’ont pas trouvé d’accord sur la proposition de la Commission européenne de prolonger l’autorisation du glyphosate pour les dix prochaines années. Son utilisation est pour le moment autorisée jusqu’à ce 15 décembre. Les prochains mois vont donc être cruciaux à Bruxelles. Pour discuter de ce pesticide et de son impact sur la population, Mathilde Leroy d'Euradio Paris reçoit Florence Presson, adjointe au maire de Sceaux en Ile de France et présidente du collectif des maires anti-pesticides qui rassemble des maires français qui ont pris des arrêtés contre le glyphosate en 2019.
Pour rappel : le glyphosate est classé comme cancérogène probable pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer.
Euradio : Pour commencer, Florence Presson, comment a été créé le collectif des maires anti-pesticides ?
Florence Presson : Le collectif a été créé l’été 2019 à la suite de deux premiers arrêtés anti-pesticides pris par les mairies de Sceaux et Gennevilliers pendant l’été 2019. Cette année-là, il y avait l’interdiction pour les privés par exemple propriétaires d’une maison et d’un jardin, d’utiliser du glyphosate. En revanche, dans tous les espaces privés partagés, comme le jardin d’une copropriété, le glyphosate pouvait être utilisé. On a constaté que lorsqu’on marche le long d’un trottoir en ville le long d’une copropriété, on peut être en contact avec du glyphosate. Il s’agissait là d’un danger pour nos habitants. On a donc décidé de créer un collectif commun constitué de mairies urbaines et rurales qui ont pris des arrêtés anti-glyphosate.
Euradio : Vous avez donc créé ce collectif de mairies, situées un peu partout en France, pour protéger la santé des habitants. Quel a été le cheminement de la lutte que vous avez mené ? Que s’est-il passé depuis la création du collectif ?
Florence Presson : Tout d’abord, on a travaillé avec Corinne Lepage [ancienne ministre française de la Transition écologique] pour créer un arrêté modèle qu’on a pu diffuser le plus largement possible aux communes. Cet arrêté avait deux objectifs. Premièrement, dès qu’une commune voulait passer un arrêté, elle avait son arrêté clé en main. Deuxièmement, cela nous a permis de construire une défense commune. Aller au tribunal, ça n’est pas évident. C’est une épreuve. Le collectif a permis de financer une défense commune avec le cabinet Lepage et d’en faire bénéficier tout maire de toute commune. Une mairie de 350 habitants a eu la même défense qu’une grande ville. Le collectif permettait de se soutenir.
Euradio : Pour que nos auditeurs comprennent bien, pouvez-vous expliquer plus précisément pourquoi êtes-vous allé au tribunal et comment ça s’est passé ?
Florence Presson : Déjà, il faut savoir qu’il y a un certain fonctionnement. A partir du moment où l’on rédige un arrêté, quel que soit le sujet, il est envoyé en préfecture parce que le préfet représente l'État. Lorsque les préfets ont reçu cet arrêté, ils nous ont demandé de les retirer parce qu’ils considéraient que c’était illégal. Mais les maires ont répondu :
« Nous sommes préoccupés par la santé de nos habitants, nous ne souhaitons pas retirer ces arrêtés donc nous les maintenons »
A partir de ce moment-là, le préfet vous emmène au tribunal administratif pour juger l’affaire. On a défendu la position des maires. On a eu la chance d'avoir un retour positif par le tribunal administratif de Cergy qui a reconnu qu'effectivement les arguments que nous apportions étaient entendables. Mais, le préfet a fait appel. Donc, la Cour d'appel de Versailles a été saisie et elle a refusé d'entendre nos arguments. Nous avons donc fait appel de cette décision.
Euradio : Donc, vous êtes allés jusqu'au Conseil d'État ?
Florence Presson : Oui, le Conseil d'État, là c'est très impressionnant. Nous le collectif, on y est allés trois fois pour défendre notre position. Mais à chaque fois, on a été très mal entendus parce que, face à nous, on avait des représentants du ministère de l'Agriculture. Donc ils nous faisaient remarquer : mais attendez, vous êtes en ville, de quoi vous mêlez vous ? Mais je pense que tout le monde a oublié que les pesticides, le glyphosate, on en trouve dans les champs. Mais on les trouvait aussi sur les terrains de foot, dans les cimetières ou dans les copropriétés privées. Les gestionnaires de ces espaces utilisaient du glyphosate. Ce message là, ne passait pas. On a été positionnés comme des maires anti agriculteurs. Or, pour nous ce qui est important, c'est la santé de tous nos habitants que ça soit un enfant, une femme enceinte, mais aussi un agriculteur ou un vigneron.
Ecoutez cette interview complète réalisée par Mathilde Leroy !