Sophie Bulbulyan est la cofondatrice et directrice artistique de la compagnie et école de danse DK-BEL, dans le Val d’Oise, en Île-de-France. Cette compagnie est inclusive : il y a aussi bien des danseurs valides que des danseurs en situation de handicap. Ensemble, ils se produisent sur scène au quatre coins de l’Europe et partagent leur passion.
Euradio : Présentez nous votre compagnie DK-BEL.
Sophie Bulbulyan :On accueille des danseurs en situation de handicap et des danseurs qui ne le sont pas, de tout âge. On a ce qu'on appelle l’école DK-BEL, où on accueille aussi des petits danseurs avec des troubles autistiques. On a également la compagnie DK-Bel. En tout, nous sommes 80 danseurs avec une trentaine en situation de handicap. Ce qui nous importe, c’est d’avoir l’humain en premier.
E : D’où vous est venue cette idée ?
S.B. : On était deux enseignantes dans un collège à Villiers-le-Belle, et on avait beaucoup d’élèves très talentueux. Petit à petit, on a créé l'association puis la compagnie avec cette partie professionnelle. La rencontre avec le handicap, parce que c’est une rencontre, s’est produite avec un groupe de jeunes qui faisait du slam. Un jour, on a fait de la danse et ça a très bien fonctionné. Depuis, il y a eu une pièce, deux, trois, puis quatre et maintenant ça fait partie de notre spécificité. Mais, on sera vraiment dans l'inclusion quand on ne nous appellera plus danse inclusive et quand on se produira dans les festivals, les théâtres comme une compagnie lambada.
E : Est-ce que c’était difficile à mettre en place ?
S.B. : Non ce n’est pas plus difficile qu’avec d’autres danseurs, à partir du moment où la méthode qu’on utilise part de la singularité de chacun. La seule chose qui peut éventuellement être différente c’est la notion de temps parce que ça peut prendre plus de temps mais parfois, au contraire, ils retiennent beaucoup plus vite que moi. Il n’y a pas de singularité et je n’aime pas les singularités sur le handicap.
E : Comment les spectateurs réagissent-ils lorsqu’ils voient vos représentations ?
S.B. : Il y a beaucoup d’émotions en général. On nous dit “c’est beau” : en fait, ils découvrent. Vendredi dernier, un papa venait voir son enfant lors d’un spectacle scolaire et il nous a dit qu’au départ il avait vu une personne en situation de handicap avec des danseurs et qu’à la fin il avait vu des artistes. Là on est dans ce qu’on a envie de montrer : chacun à sa place et a la possibilité de créer si on lui donne les moyens de le faire.
E : Est-ce que c’est votre but justement de faire changer le regard ?
S.B. : La compagnie est militante pour que le regard sur les personnes en situation de handicap change mais notre but c’est de créer de l’émotion. On est des danseurs, des artistes.
E : Y a-t-il un effet visible, de cette pratique de la danse, sur les personnes en situation de handicap ?
S.B. : Il y a un impact chez tous. Même nous, en tant qu'équipe de création, on est remplie et riche de ces relations humaines qu’on développe. C’est difficile, il y a beaucoup de choses à penser dans la logistique, mais ça nous remplit.
E : Vous voyagez et vous avez beaucoup de collaborateurs en Europe…
S.B. : Avec la compagnie on travaille beaucoup avec des projets européens. On a un projet qui s’appelle Creative Europe qui nous a permis en 2015 de créer le premier spectacle sous l’eau, avec spectateurs sous l’eau, avec les équipes de Grèce et de Chypre. On travaille aussi en Hongrie et bientôt en Afrique. On a également beaucoup de projets Erasmus+, comme le projet Contact. C’est un échange de pratiques sur “comment l’art peut améliorer la communication avec les personnes ayant des troubles autistiques”. C'est un projet en 2 ans avec des Grecs, des Finlandais… On est très ouvert sur l’Europe parce que ça ressert les liens et donnent d’autres perspectives de vie.
Entretien réalisé par Lou Surrans