Toutes les deux semaines sur Euradio, retrouvez « Fréquence Europe », la chronique de Radio Judaïca et l’Europe Direct Strasbourg, présentée par Olivier Singer.
La crise du Covid-19 avait entre autres révélé que l’Europe est vulnérable face aux pénuries de médicaments. Olivier, cinq ans plus tard, l’Europe a-t-elle pris la mesure du problème ?
Effectivement, avec la crise du Covid, l’Europe a pris conscience de sa dépendance en matière de médicaments. Rappelez-vous, au plus fort de la pandémie, des États se disputaient masques et vaccins, tandis que les pénuries de paracétamol ou d’amoxicilline mettaient sous tension les systèmes de santé. Plus récemment encore, des traitements essentiels, comme certains anticancéreux ou antibiotiques, ont manqué dans plusieurs pays de l’UE.
Mais, Olivier quels sont les causes de ses pénuries ?
Les raisons sont multiples, D’abord, la production des composants des médicaments génériques s’est massivement déplacée hors d’Europe. Aujourd’hui, huit antibiotiques sur dix consommés en Europe sont produits en Asie, principalement en Chine et en Inde. Ces pays se sont imposés comme leaders mondiaux en raison de coûts plus bas et de réglementations plus souples. En parallèle, les États européens ont favorisé les génériques pour réduire les dépenses de santé, renforçant ainsi cette dépendance. Enfin, les stratégies de production en flux tendu limitent les stocks disponibles et rendent les ruptures plus fréquentes.
Face à ce constat, l’UE veut reprendre la main avec une proposition de directive pour mieux anticiper et gérer les pénuries.
Que propose la Commission européenne ?
D’abord, l’établissement d’une liste européenne de médicaments critiques, c’est-à-dire des traitements indispensables dont l’indisponibilité aurait un impact majeur sur les patients. On y retrouve notamment des anticancéreux, des antibiotiques, des vaccins et des traitements pour les maladies rares. Ensuite, les industriels devront constituer des stocks de sécurité et signaler plus tôt les risques de rupture. L’UE veut aussi acheter européen et produire européen. Elle souhaite inciter les États membres à passer des commandes groupées pour faire baisser les prix et créer, à terme, un marché unique du médicament. En parallèle, des fonds européens seraient mobilisés pour soutenir la relocalisation de la production, avec des subventions pour la construction d’usines de fabrication de médicaments critiques.
Mais cette proposition est-elle à la hauteur des défis ?
Déjà, un point crucial : ce ne sont pas les institutions européennes qui achètent et distribuent les médicaments, mais bien les États membres. L’UE peut fixer un cadre et encourager la coopération, mais elle ne gère pas directement les commandes.
Un point suscite pour l’instant la critique, c’est comme souvent le nerf de la guerre : le financement. Relocaliser coûte cher, et la directive ne prévoit pas de budget spécifique, de budget dédié. Certains États dont l’Allemagne voudraient l’intégrer aux financements européens pour la défense, Ils estiment que la lutte contre la pénurie de médicaments devrait être considérée comme en enjeu de sécurité. Mais cette idée divise. D’autres pointent un manque d’ambition : sans incitations plus fortes pour relocaliser la production en Europe, la dépendance aux fournisseurs étrangers restera un problème.
En tout cas, c’est désormais aux États membres et au Parlement européen de s’emparer de ce texte et le modifier afin de garantir aux européens un accès sûr et équitable aux médicaments.