Pour cette nouvelle édition, on s’intéresse au sommet virtuel qui s’est ouvert ce lundi entre l’Union européenne et la Chine. Ce sommet a lieu dans un contexte un peu particulier de méfiance envers Pékin. Qu’est ce qui explique cette montée des tensions ?
Effectivement, la plupart des spécialistes de la Chine estiment désormais que l’on ne peut collaborer avec le régime de plus en plus autoritaire de Pékin. Depuis plusieurs mois, des voix s’élèvent ainsi contre le comportement agressif de la Chine en matière diplomatique et économique. A cela s’ajoutent des accusations d’influence au cœur même des institutions et de pratiques d’espionnage à Bruxelles. La Chine a d’ailleurs récemment déclaré vouloir implanter un grand média à Bruxelles, décision vue par beaucoup comme une tentative de mieux contrôler l’information.
Sont présents à ce sommet, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, le président du Conseil, Charles Michel, la Chancelière allemande, Angela Merkel, et pour finir, le président chinois, Xi Jinping.
Compte tenu de ce climat délétère, quels sont les objectifs de ce sommet ?
Le but global de ce sommet, pour l’Europe, est de forcer la Chine à une relation de réciprocité en matière commerciale. On reproche souvent à Pékin d’utiliser sa puissance économique à son profit. Par exemple, on déplore le fait que Pékin profite du marché européen fortement régulé et ouvert, alors qu’elle favorise les entreprises chinoises sur son sol.
La Commission a donc pour objectif de négocier durement dans ce domaine et surtout d’inciter la Chine a être plus ambitieuse en matière environnementale. Enfin, la Commission compte insister sur le respect des droits fondamentaux, avec au cœur des enjeux la dramatique situation des millions de Ouigours, une minorité turcophone, dont un million d’hommes et de femmes seraient internés dans des camps de rééducation.
L’Allemagne, assure la présidence tournante de l’Union européenne, et sera donc présente au sommet. Elle est aussi un partenaire économique majeur de la Chine. N’y a-t-il pas ici un risque de conflit d’intérêt en quelque sorte ?
Tout à fait, l’Allemagne a toujours poussé pour une coopération avec la Chine. Notamment car le marché chinois est une zone importante pour l’industrie automobile allemande. On reproche à l’Allemagne d’avoir trop longtemps favorisé ses intérêts économiques au détriment d’un discours axé sur les droits de l’homme par rapport à Pékin. On verra si cela n’affecte pas les grandes ambitions européennes vis-à-vis de la Chine.
On continue à parler des ambitions de l’Union européenne. La Commission affiche depuis son entrée en fonction son intention de réaliser la transition écologique de l’Europe. Tout récemment, on a appris que la présidente de la Commission compte mettre en place des objectifs plus exigeants. A-t-on une idée de ce qu’elle va annoncer ?
On sait plus ou moins à quoi s’attendre. La Commission prévoit de réduire davantage les émissions de gaz à effets de serre. Il s’agit d’un amendement à la loi climat adopté en mars. L’objectif serait de les réduire de 55% d’ici 2030, donc dix ans. Il faut préciser que cette réduction de 55% se fait par rapport aux niveaux de 1990. Transport, agriculture, énergie, industrie… tous les secteurs devront contribuer à atteindre l’objectif.
Vous avez mentionné les secteurs visés, connait-on déjà ceux qui vont devoir s’adapter le plus ?
Selon la Commission, le secteur des transports est celui qui a le plus d’efforts à faire. Dans ce secteur, la part d’énergie renouvelable n’est que de 7%. La Commission propose de soutenir le développement des véhicules électriques, des biocarburants et d’autres carburants renouvelables. Elle entend appliquer des normes de pollution plus strictes aux compagnies aériennes et réglementer les émissions du maritime.
On sait que les autres institutions vont devoir se prononcer par rapport à ces propositions. Quelle est la position du parlement européen ?
La commission environnement du parlement européen ne cache pas son ambition d’aller encore plus loin. Elle a récemment défini sa position, et veut une réduction de 60% pour 2030 par rapport à 1990. Son président, Pascal Canfin, député européen libéral, a insisté sur le fait qu’il fallait écouter ce que les scientifiques affirment et agir en conséquence. Par contre, le parti conservateur européen a émis des doutes. Il craint que de telles ambitions nuisent à l’emploi et l’investissement dans les secteurs concernés.
Bannir le plastique, une tâche plus difficile que ça en a l’air. Que fait l’Union européenne dans ce domaine ?
C’est très intéressant, la géopolitique s’invite dans le débat. Jusqu’à il y a deux ans, la Chine importait une grande part des déchets plastiques européens pour les recycler. Même si son économie en profitait, ce business se révélait néfaste pour son environnement direct. La Chine a arrêté les importations et l’Union a du trouver une solution un peu en catastrophe pour résoudre son problème de déchets.
En mai 2018, la Commission a proposé une directive pour bannir le plastique à usage unique. Où en est le processus aujourd’hui ?
Et bien le processus coince un petit peu. L’enjeu crucial est de définir quel type de plastique tombe sous le coup de cette directive. Il va sans dire que cela fait l’objet d’un intense lobbying de la part de l’industrie du plastique.
Le débat porte notamment sur la définition d’un produit en plastique ?
Tout à fait, et c’est là-dessus que veulent influencer les entreprises. Le cellophane, par exemple, n’est pas fait de pétrole comme le plastique classique, mais de cellulose, un matériau naturel. Les entreprises voudraient continuer à produire ce type d’emballage. Pourtant, c’est celui que l’on retrouve le plus sur les plages et dans la nature de par l’usage qui y est lié, selon Justine Maillot, de l’Alliance pour repenser le plastique. Le but est non seulement de diminuer l’empreinte écologique mais aussi de se débarrasser d’une masse conséquente de déchet.
On suivra l’évolution de ce dossier ! Merci à toutes et à tous pour votre attention !
Victor D'Anethan - Thomas Kox