Aujourd'hui Victor et Thomas se tournent vers le Bélarus qui est toujours le théâtre d’un cycle inédit de protestation. Cela fait suite à la réélection frauduleuse du président début août. Alexandre Loukachenko n’aurait en fait obtenu que quelques pour-cents des voix. Alors, malgré une interdiction de manifester, des milliers de femmes sont descendues ce weekend dans la rue pour protester.
La présence croissante des femmes dans ce mouvement force le respect ! Durant toute la campagne électorale, trois femmes ont mené l’opposition, dont la candidate, Svetlana Tikhanovskaia, exilée en Lituanie, qui revendique la victoire. Cela continue depuis le début des manifestations, début août. Des femmes de tout âge sont présentes chaque dimanche. Elles forment de grandes colonnes et tiennent tête aux forces de l’ordre. On les voit parfois se jeter sur des policiers pour empêcher des arrestations. Ce dimanche, on a vu assez une pratique particulière et toute nouvelle. Des femmes ont pris l’initiative d’enlever les masques des policiers procédant à des arrestations et cela fonctionne ! Ils s’enfuient toujours rapidement, de peur d’être identifiés.
Est-ce que le régime montre des signes de faiblesse ?
La rhétorique du président Alexandre Loukachenko reste très belliqueuse. Il se présente comme le dernier rempart face à l’Occident, déclarant que si le Bélarus tombe, la Russie suivrait rapidement. Il s’agit pour lui de maintenir la pression pour s’assurer du soutien russe. On peut voir ça comme un aveu de faiblesse devant son incapacité à faire cesser les manifestations. Alexandre Loukachenko et Vladimir Poutine, le président russe, doivent se rencontre ce lundi à Sotchi. Selon certains experts, Moscou chercherait à monnayer son soutien en échange de fortes concessions du Bélarus. La Russie voudrait ancrer davantage son voisin dans sa sphère d’influence.
L’Europe s’engage-t-elle pleinement dans ce conflit ou est-elle plutôt attentiste ?
La réponse de l’Union européenne est restée timide. Elle a affirmé ne pas reconnaître le résultat de l’élection et condamné la répression du régime. Outre une promesse de sanctions, la Commission européenne n’a pas pris de véritable mesure. De manière intéressante, on voit que certains pays s’activent plus que d’autres. La Lituanie et la Pologne ont très rapidement apporté leur soutien à l’opposition. La Pologne se présente de manière insistante comme un promoteur de la démocratie en Bélarus, et multiplie les actions. Mateusz Morawiecki, premier ministre polonais a rencontré Svetlana Tikhanovskaia, la candidate déçue. Il a également promis de verser 11 millions d’euros à des organisations de société civile biélorusse.
Pourtant la Pologne fait face à beaucoup de critiques au sein de l’Union européenne en raison de ses politiques considérées comme anti-démocratiques. N’y a-t-il pas ici un paradoxe ?
C’est tout à fait juste ! Depuis 2015 et l’accession au pouvoir du parti Droit et Justice, les autorités polonaises ont passé des lois qui sapent l’indépendance du système judiciaire ou qui discriminent la communauté LGBT. Cela crée de fortes tensions entre Bruxelles et Varsovie. Donc les tentatives polonaises de soutien démocratique en Bélarus, sont donc moins suivies que celles de la Lituanie, qui jouit d’une meilleure réputation en matière de démocratie et d’Etat de droit.
Merci Victor pour ces informations. Toujours en bordure de l’Union européenne, on s’intéresse maintenant à l’est de la Méditerranée. Cela fait plusieurs mois que les relations gréco-turques sont tendues. Les deux pays se sont disputés sur la question du passage de réfugiés à leur frontière commune en mars. En juillet, la Turquie a reconverti l’ancienne cathédrale orthodoxe Hagia Sofia en mosquée. Cela avait aussi profondément irrité la Grèce.
Aujourd’hui, on craint une escalade des tensions, que s’est-il passé ?
De par leur proximité géographique et leur passé commun la Grèce et la Turquie ont régulièrement des raisons de se quereller. Cette fois-ci, les deux pays se disputent depuis le début de l’été à propos de l’exploitation de ressources naturelles proches de leurs côtes respectives. De nombreuses îles grecques se trouvent tout juste à côté de la Turquie. Cela rend la question des eaux territoriales particulièrement complexe. La Turquie a déployé mi-août un navire pour rechercher des gisements de pétrole et de gaz proche de l’île grecque de Kastellorizo au sud de la Turquie. Athènes considère cette prospection comme une provocation.
La situation est un peu particulière car les deux pays font tout deux partie de l’OTAN, l’organisation de sécurité et de défense collective. Ils sont donc en quelque sorte censés être alliés.
En effet, surtout que ces tensions liées à l’exploitation naturelle a donné lieu à une escalade. La Grèce et la Turquie ont chacun réalisé des manœuvres militaires. La France avait envoyé des avions pour afficher son soutien à Athènes. La rhétorique entre la Grèce et la Turquie est devenue plus belliqueuse. Samedi, le gouvernement grec a annoncé l’achat de plusieurs avions français, des rafales, ainsi que des frégates et des hélicoptères. Il compte également recruter 15.000 soldats d’ici 2025. Le premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, a dénoncé la menace que constitue le comportement turc pour la sécurité de la région.
Vous avez parlé des avions français. La relation entre la France et la Turquie est relativement mauvaise en ce moment.
V – Exactement ! Les deux pays se sont écharpés par déclarations interposées. Le président Macron avait déclaré que la Turquie ne pouvait plus constituer un partenaire, en référence à son accaparement de ressources naturelles. Recep Erdogan, le président turc, a rétorqué samedi au président français de ne pas chercher querelle avec la Turquie. Cette animosité s’inscrit dans le contexte plus général de la guerre en Libye. La France accuse la Turquie de violer l’embargo sur les armes, décrété en 2011 pour ne pas nourrir davantage le conflit. Les Etats-Unis s’en sont aussi mêlés. Mike Pompeo, secrétaire d’Etat américain, était ce weekend en visite à Chypre et s’est dit préoccupé par le comportement d’Ankara.
Finalement, le navire de recherche turque est revenu dimanche soir à son port, apaisant un petit peu le dialogue. Néanmoins, la Turquie a annoncé qu’il y aurait d’autres tentatives.
Qu’en est-il des autres pays de la région ?
Et bien, récemment 7 pays ont tenu un sommet à Ajaccio pour accorder leur violons. L’Espagne, le Portugal, l’Italie, et Malte se sont joints à la France, Chypre et la Grèce. Ils ont appelé ensemble la Turquie à cesser sa logique de confrontation. D’un autre côté, ils appellent également à maintenir un dialogue, plus constructif pour gérer le problème de la gestion des ressources en Méditerranée.
Victor D'Anethan - Thomas Kox