Aujourd’hui en Europe

Aujourd'hui en Europe - Vendredi 16 octobre

Aujourd'hui en Europe - Vendredi 16 octobre

Azerbaïdjan et Arménie, de nouveaux combats éclatent dans le Nagorno-Karabakh, enclave disputée par les deux pays depuis 1991 ; Brexit, la société Cambridge Analytica, soupçonnée d’avoir influencé les votes des électeurs sur Internet, finalement innocentée par la commission britannique; et enfin culture, que faire des oeuvres d'art pillées pendant la colonisation ?

Évoquons le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Le 27 septembre, des combats ont éclaté entre les deux pays dans le Nagorno-Karabakh, une enclave disputée par les deux pays depuis la chute de l’URSS, en 1991. Les médias en parlent mais les causes de cette dispute territoriale restent floues. Pouvez-vous nous aider à comprendre le contexte historique qui a mené à cette éruption de violence ?

Comme pour toute dispute territoriale, il est particulièrement difficile de définir qui a véritablement une légitimité sur le territoire, ou même de pointer la responsabilité de l’un des deux acteurs. 

Les deux pays ont des prétentions historiques sur cette zone. Les Arméniens et Azerbaïdjanais y vivent depuis des siècles, bousculés par les différentes invasions qui ont secoué la région. Les Arméniens et Azerbaïdjanais ont cohabité de manière relativement pacifique jusqu’au début du 20e siècle. 

Après l’effondrement de l’Empire russe en 1917 qui va s'enfoncer dans une guerre civile de plusieurs années, deux éphémères Etats d’Arménie et d’Azerbaïdjan vont naître et déjà se faire la guerre, de 1918 à 1920.

Comme aujourd’hui, la Turquie soutient alors l’Azerbaïdjan, et l’empire britannique prend la défense de l’Arménie. 

L’avènement de l’Union soviétique à partir de 1922 a mis ces tensions sous cloche en quelque sorte, seulement pour resurgir en 1991, à la chute de l’URSS.

En arrivant au pouvoir, Joseph Staline attribue le Nagorno-Karabagh à l’Azerbaïdjan. Une décision unilatérale qui crée par là d’énormes frustrations, étouffées cependant dans le cadre qu’est la dictature stalinienne de l’époque. L’enclave est peuplée à ce moment-là de à 94% d’Arméniens. 

La chute de l’Union soviétique a ravivé ces tensions comme vous l’avez dit. Le Nagorno-Karabagh proclame son indépendance de l’Azerbaïdjan et sa volonté de rattachement à l’Arménie, alors que l’URSS s’est à peine effondrée.

C’est le début d’une guerre particulièrement violente qui allait faire plus de 25.000 morts. Le conflit n’avait pris fin qu’avec la signature d’un cessez-le-feu signé en 1994 alors que l’Arménie et l’Azerbaïdjan sortaient de ce conflit exsangue.  

Un cessez le feu qui malheureusement ne laissait pas pour autant présager une sortie de de crise si facile. 

Oui, depuis des années, les deux pays rivalisent sur le terrain de l’historiographie et dans le domaine militaire. Aucun des deux Etats n’a jamais mené de réels efforts vers une solution négociée à ce conflit. Quelques flambées de violences ont eu lieu en avril 2016, puis en juillet 2020. Les deux pays ont investi massivement dans l’armement. Le budget militaire de l’Azerbaïdjan équivaut au budget total de l’Arménie. Erevan a également tenté de suivre le mouvement même si ses moyens sont bien plus faibles. 

Depuis la reprise des combats le 27 septembre, les hostilités ont fait selon les derniers chiffres plus de 500 morts dont au moins 60 civils.  Un arrêt des hostilités semble peu probable vu la détermination des deux camps, et l’échec complet d’un cessez-le-feu signé le 10 octobre sous l’égide de la Russie. 

Intéressons-nous au référendum qui a mené vers le Brexit. Le 23 juin 2016, 51,9% des citoyens britanniques ont voté pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Cet événement a profondément marqué l’Europe et a donné lieu à des accusations de manipulation du référendum. La société Cambridge Analytica a été soupçonnée d’avoir ciblé directement des électeurs sur internet pour influencer leur vote. Pourtant, la commission britannique pour l’information a rendu un avis qui affirme le contraire.

En effet, en 2018, un lanceur d’alerte a accusé Cambridge Analytica d’avoir récolté les données de milliers d’utilisateurs de Facebook sans leur consentement. La société aurait alors ciblé un certain profil d’internaute avec du contenu pro-Brexit pour influencer le résultat du référendum. Cette accusation a déclenché une véritable tempête. Facebook a dû payer plusieurs amendes, entre autres au Royaume-Uni et au Canada, pour ne pas avoir protégé les données de ses utilisateurs. La firme Cambridge Analytica fut mise en faillite et son dirigeant reçut une interdiction de diriger une entreprise pendant 7 ans. 

Pourtant, selon la commission britannique pour l’information a considéré que les capacités d’influence de cette entreprise ont été largement surévaluées. L’entreprise Cambridge Analytica n’a donc selon la Commission pas favorisé le Brexit. Ces pratiques de ciblage d’internautes sont malheureusement très répandues, de nombreuses entreprises y ont recours souvent pour des motifs commerciaux.  

Ce rapport remet en cause les accusations de manipulation, notamment l’hypothèse d’une interférence russe. Il met surtout les politiques britanniques pro-européens face à leur échec. Selon Olivier Tesquet, journaliste spécialiste des technologies, cette affaire met surtout en lumière un système commercial qui permet à des entreprises d’avoir accès à nos données personnelles. 

Terminons par une question ! Que faire des œuvres d’art pillées pendant la colonisation ? C’est à ce sujet que le Conseil hollandais de la culture a rendu un rapport début octobre. Il enjoint le gouvernement hollandais à restituer ces œuvres à ses anciennes colonies telles que l’Indonésie ou le Suriname. Comment ce rapport propose-t-il de s’y prendre ?

Et bien, ces dernières années, plusieurs musées en Europe ont pris l’initiative de restituer des œuvres d’art volées aux anciennes colonies. Selon l’avocate et militante des droits humains Lilian Gonçalves-Ho Kang You, l’auteur du rapport, il s’agit de réparer les injustices du colonialisme. Le rapport préconise la création d’un comité d’experts qui analyserait les demandes, ainsi que la mise en place d’une base de données accessible au public sur toutes les collections coloniales présentées dans les musées hollandais. Néanmoins, il faut prouver que les objets ont été acquis durant la colonisation, et si le pays d’origine en fait la demande.  Les directeurs de deux grands musées aux Pays-Bas, le Rijksmuseum et le Tropenmuseum ont approuvé l’initiative. 

La question s’est d’ailleurs posée en France, n’est-ce pas ? Le président Emmanuel Macron a fait une déclaration dans ce contexte en 2017. 

Tout à fait, devant des étudiants d’une université au Burkina Faso, Emmanuel a affirmé sa volonté de restituer l’héritage culturel africain situé en France. Il s’agit du premier chef d’Etat européen à avoir pris une position tranchée dans le domaine. Néanmoins, depuis lors, seul un sabre a été restitué au Sénégal. La proposition se heurte notamment à l’absence de mobilisation des pays africains concernés et de l’inaction du gouvernement français, qui semble avoir oublié le projet. 

Victor D’Anethan – Thomas Kox