Présence de troupes russes aux abords de la frontière avec l'Ukraine, faut-il craindre une intensification des combats ? Polémique à Bruxelles après les révélations de la presse bosniaque et slovène sur l'envoi d'un document officieux à Charles Michel, lui suggérant une redéfinition des frontières des Balkans. Nouvel accord-cadre de coopération entre l'Union européenne et l'OEACP.
Vers une intensification des combats sur le front du Donbass ?
Récemment le rassemblement de troupes russes près de la frontière avec l’Ukraine fait craindre une nouvelle intensification des combats sur le front du Donbass, où ce conflit a déjà causé la mort de près de 14 000 personnes depuis son déclenchement en 2014.
En effet, l’Ukraine a alerté sur la présence, selon elle, de près de 80 000 soldats russes à sa frontière. Selon le commandant en chef de l’OTAN en Europe le général Tod Wolters, cette force est semblable à celle déployée en 2014 lors de l’annexion de la Crimée par la Russie, et elle n’en a jamais rassemblé autant depuis lors.
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères était d’ailleurs à Bruxelles la semaine dernière pour demander à l'OTAN et à l’UE davantage de soutien dans ce contexte particulièrement tendu.
Oui, et le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg a affirmé pour sa part que le soutien à l'Ukraine “est bien concret. Il ne s'agit pas de simples paroles". L’OTAN a demandé à la Russie de “cesser ses provocations et de procéder à une désescalade immédiate." Vendredi 16 avril, à l’issue d’une autre réunion, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le président français Emmanuel Macron, la chancelière allemande Angela Merkel ont demandé à Moscou de retirer ses troupes de la frontière ukrainienne.
Pour se protéger de la Russie, l'Ukraine affiche son souhait d’adhérer à l'Alliance atlantique ainsi qu’à l’UE, mais les deux scénarios restent encore très hypothétiques.
En effet, le Secrétaire général de l’OTAN ne s’est pas prononcé sur un éventuel élargissement de l’Alliance. Quant à l’entrée dans l’UE, selon le secrétaire d’Etat français aux affaires européennes Clément Beaune "on peut soutenir l’Ukraine (…), mais ça ne veut pas dire adhésion".
De son côté, le président américain Joe Biden a proposé le mardi 13 avril de rencontrer Vladimir Poutine pour établir un dialogue.
Oui, mais le président américain a en même temps confirmé“le soutien inébranlable des Etats-Unis à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine", il a demandé à la Russie de réduire sans délai sa présence militaire ukrainienne. Le 14 avril, le gouvernement américain a également annoncé l’expulsion de dix diplomates en réaction à l’ingérence russe dans la campagne électorale de l’ancien président Donald Trump. Les Etats-Unis ont enfin annoncé l’envoi prochain de 500 militaires supplémentaires en Europe.
De son côté, Moscou affirme je cite “répondre aux actes menaçants de l’OTAN” et s’inquiète également de la coopération militaire entre l’Ukraine et la Turquie, qui est, on le rappelle, aussi membre de l’OTAN.
Les Russes sont particulièrement opposés au récent achat par Kiev à la Turquie de drones armés, qui pourraient ensuite être utilisés contre les séparatistes protégés par la Russie dans les régions de Donetsk et de Louhansk à l’Est de l’Ukraine. De plus, le président turc Recep Tayyip Erdogan a récemment publié une déclaration pour réaffirmer son soutien à l’intégrité territoriale de l’Ukraine et sa candidature à l’OTAN.
Signe d’un refroidissement des relations entre Moscou et Ankara, la Russie a décidé le 15 avril de suspendre pour un mois et demi ses liaisons aériennes vers la Turquie.
Cette décision a été prise officiellement pour raison sanitaire, en raison de la pandémie de Covid-19. Néanmoins, elle a coïncidé avec la visite en Turquie du président ukrainien Volodymyr Zelensky venu négocier ces achats de drones militaires. Cette suspension des liaisons aériennes devrait mettre un peu plus en difficulté l’économie turque, qui comptait pourtant sur les revenus liés aux touristes, russes notamment.
Balkans - Charles Michel aurait reçu du premier ministre slovène un document officieux lui proposant des modifications de frontières comme réponse aux tensions persistantes dans la région.
Dirigeons-nous vers le Sud-Est de l’Europe, où la presse bosniaque puis slovène ont révélé la semaine dernière l’existence d’un document adressé officieusement au président du Conseil européen Charles Michel afin de résoudre les tensions qui persistent entre les peuples des Balkans occidentaux depuis les guerres de Yougoslavie en 1991-1995.
Oui, le document en question aurait été rédigé à l’initiative du Premier ministre slovène Janez Jansa et propose rien de moins que de fusionner le Kosovo avec l’Albanie, ou encore de réaliser la dissolution de la Bosnie-Herzégovine, dont des régions seraient rattachées à la Croatie, ou d’autres à la Serbie. Parmi les vives réactions déclenchées par ces révélations, l’eurodéputée slovène Tanja Fajon a déclaré qu’une “redéfinition des frontières” n’est pas une solution, mais constitue au contraire “des idées perturbatrices et des tendances nationalistes” et donc “une démarche extrêmement dangereuse”.
Ce document aurait été envoyé en février ou mars de cette année, mais les membres de la diplomatie européenne ont déclaré ne pas en avoir été informé.
Oui, d’ailleurs le Premier ministre slovène a nié avoir écrit ce texte et n’a pas voulu s’exprimer sur le sujet. Charles Michel n’a lui pas démenti l’existence de ce document. Enfin, l’irruption de ce débat promet d’avoir des répercussions importantes pour la suite du dialogue avec les Balkans, car c’est la Slovénie qui occupera la présidence tournante du Conseil de l’UE le 1er juillet.
L'Union européenne et l'OEACP adoptent un nouvel accord-cadre pour renforcer leur coopération politique et économique.
Terminons cette édition par l’adoption vendredi 15 avril d’un nouvel accord-cadre pour renforcer la coopération politique et économique entre l’Union européenne et la Communauté des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP).
Oui, cet accord de partenariat succède à l’accord de Cotonou signé en 2000, il prévoit entre autres davantage de soutien au développement, des engagements visant à faciliter la réadmission des migrants vers leur pays d’origine, mais aussi l’obligation de respecter les objectifs environnementaux du Green Deal européen. En échange, les partenaires bénéficieront d’une augmentation des investissements de l’UE pour leur propre transition énergétique. Comme pour l’accord de Cotonou, ce nouvel accord sera en vigueur pour les vingt prochaines années.
Malgré des retards dans les négociations, la commissaire chargée des partenariats internationaux et négociatrice en chef de l’UE Jutta Urpilainen, a qualifié cet accord Post-Cotonou de “tournant” vers des “relations plus politiques” avec les pays partenaires.
En effet, les négociations sont aujourd’hui terminées, mais l’accord devra encore être approuvé par le Conseil de l’UE et par le Parlement européen, et enfin ratifié par chaque pays membre de l’accord. Ceux-ci espèrent que le nouvel accord entre en vigueur avant l’expiration de l’accord de Cotonou, c’est-à-dire avant le 30 novembre 2021.
Armand Duthil - Romain L'Hostis
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Image par Jordan Busson, CC BY-NC 2.0, via Flickr