Le sommet Climate Chance se tenait à Nantes du 7 au 8 mars 2022, en même temps que la Convention européenne sur le climat. Au cours d'ateliers et de tables rondes, experts, représentants d'ONG et de collectivités territoriales de sont rencontrés pour discuter des enjeux européens de la transition écologique et produire des solutions concrètes. Beaucoup de ces acteurs ont évoqué la nécessité d'une approche holistique des enjeux climatiques, par opposition à une approche par silos. Ils ont également appelé à renverser la logique top-down des politiques publiques européennes en matière de lutte contre le changement climatique, en plaçant les territoires en moteurs de la transition écologique.
Quelle est la stratégie de l'Union européenne ?
Pilier de la politique européenne en matière de lutte contre le changement climatique, le pacte vert a été présenté par la commission européenne en décembre 2019. Il définit la marche à suivre pour parvenir à la neutralité carbone d'ici à 2050. Aujourd'hui, environ 30% du budget européen est destiné aux objectifs environnementaux de l'Union européenne.
Des objectifs ambitieux : du pacte vert au paquet Fit for 55 - Eero Ailio
Fixer la neutralité carbone d'ici à 2050 est ambitieux. Pour tenter d'y parvenir, la commission a adopté en juillet 2021 un paquet de propositions législatives, visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne de 55% à l'horizon 2030. Le paquet, intitulé Fit for 55 ("prêt" pour 55) prévoit douze mesures, détaillées à notre micro par Eero Ailio, conseiller transition énergétique et gouvernance locale à la Direction générale de l'énergie de la Commission européenne. Il explique également comme ces mesures sont interconnectées.
Le paquet fit for 55 est la startégie de la commission pour nous conduire sur une trajectoire crédible en faveur de la neutralité climatique d'ici à 2050. C'est aussi simple que cela. Il est composé de projets de textes législatifs pour atteindre la nouvelle cible de 55% de réduction de gaz à effets de serre d'ici à 2030.
Eero Ailion conseiller transition énergétique et gouvernance locale à la Direction générale de l'énergie de la Commission européenne
Les fonds européens ouverts aux territoires, expliqués par Sabine Martorell
Comment ces grandes orientations se traduisent concrètement sur les territoires ? Les fonds européens sont une partie de la réponse à cette question. Des fonds qui riment avec "confusion" pour certains représentants de collectivités territoriales. Ils étaient nombreux pendant le sommet à souligner la complexité de ce mode de financement. Sabine Martorell, cheffe de projet à l'Association française du conseil des communes et des régions d'Europe (AFCCRE) reprend tout à zéro, et fait le point :
J'identifierais deux grands types de financements : les programmes structurels mis en œuvre dans le cadre de la politique de cohésion, notamment le Fonds européen de développement régional (FEDER), qui accompagne de nombreux projets liés à la transition énergétique, et les programmes sectoriels, gérés au niveau européen, et mis en œuvre dans le cadre d'appels à projets européens.
Sabine Martorell, cheffe de projet à l'Association française du conseil des communes et des régions d'Europe (AFCCRE)
Le rôle de la banque européenne d'investissement dans le financement de la transition écologique - Grégoire Chauvière Le Drian
L'Union européenne finance donc des projets liés au développement durable via des appels à projets ou des fonds structurels. Mais certains porteurs de projets peuvent emprunter auprès de la Banque européenne d'investissement (BEI). Une banque publique, la plus importante au monde, dont les états membres de l'Union européenne sont les actionnaires, et qui a pour objectif d'investir dans des projets liés aux priorités des politiques publiques européennes. Grégoire Chauvière Le Drian, chef du bureau de la BEI en France, nous donne toutes les explications pour comprendre précisément les fonctions de la BEI et ce qu'elle finance :
Notre feuille de route pour transformer la BEI en banque européenne du climat, c'est notamment l'exclusion des projets qui mobilisent des énergies fossiles comme les gazoducs, et c'est investir massivement dans des projets qui ont un impact positif sur le climat. Notre ambition est de porter les investissements dans ces projets à 50% de notre activité.
Grégoire Chauvière Le Drian, chef du bureau de la Banque européenne d'investissement en France
Des objectifs difficilement atteignables ?
Le cadre européen est posé. Mais les objectifs de la commission sont-ils réalistes ? Pas sûr, répondent plusieurs intervenants présents lors de ce sommet qui, en plus de remettre en doute la capacité de l'Union à parvenir à ses fins, appellent à une refonte de son approche des enjeux climatiques. Nous leur avons tendu notre micro.
"Depuis 30 ans, le jeu consiste à fixer des objectifs suffisamment loin, pour que personne ne soit responsable de ne pas les avoir atteints" - Pierre Calame
Depuis plus de trente ans qu'il travaille sur les questions de lutte contre le dérèglement climatique, en tant que haut fonctionnaire puis en tant acteur de la société civile engagé au sein de plusieurs associations, Pierre Calame déplore la constance avec laquelle sont élaborées les politiques publiques. Selon lui, le New Green Deal et le paquet Fit for 55, s'inscrivent dans la lignée de leurs prédécesseurs : ils manquent d'une approche globale des enjeux, et ils fixent des objectifs à trop long terme qui déresponsabilisent ceux qui devraient les poursuivre.
En trente ans, notre empreinte écologique globale ne s'est pas réduite. Certes, en apparence, notre efficacité énergétique s'est améliorée. Mais quand on prend l'ensemble de nos consommations et importations, ça n'a pas du tout diminué. La première chose que devrait dire l'Union Européenne, c'est "j'assume l'ensemble de l'empreinte écologique". On continue à raisonner sur nos émissions à nous. Il faut s'intéresser à l'ensemble des filières de production.
Pierre Calame, ancien haut fonctionnaire et président de la Fabrique des Transitions
Renverser le paradigme en responsabilisant les citoyens - Armel Prieur
Armel Prieur, ancien ingénieur désormais actif au sein de diverses organisations liées à la lutte contre le réchauffement climatique, n'est pas convaincu par le succès de la logique top-down des politiques publiques, et croit davantage à une approche par le bas, qui responsabilise directement le citoyen. Mais comment sensibiliser chacun à son emprunte carbone, et ainsi l'inciter à consommer de manière plus respectueuse de l'environnement ? Il porte une idée : celle d'un compte carbone, sorte de permis à point de l'empreinte écologique, dont le volume diminuerait de 6% par an et par citoyen, afin de coller aux objectifs fixés au niveau macro. Ingénieux ! Reste à convaincre la société civile du bien fondé d'une telle mesure.
Est-ce que l'on préfère qu'il y ait une taxe carbone, relativement injuste, ou un plafonnement progressif par le compte carbone, qui lui, semble apporter une justice sociale et une garantie de résultats ? On pense que le référendum donnerait raison à cette solution, d'autant que 70% des français sont en-dessous du quota que l'on allouerait au départ.
Armel Prieur, porteur de l'idée du "compte carbone"
Et les territoires dans tout ça ?
Renverser les logiques descendante et centraliste des politiques publiques nationales et européennes, voilà une idée qui a fait son chemin pendant ce sommet. Le maire de Bordeaux par exemple a demandé lors de la table ronde d'ouverture que l'Europe soit plus à l'écoute des territoires, tout en exhortant les institutions européennes à faciliter les financements européens en allégeant les contraintes administratives et en favorisant les financements directs. Et il n'était pas le seul à porter ce message.
Les citoyens et les collectivités locales portent la transition écologique - Bettina Laville
Bettina Laville est une ancienne haute-fonctionnaire, présidente du comité 21, une organisation qu'elle a fondée à la suite du sommet de Rio pour le climat de 1992, et dont l'objectif est d'accompagner d'autres organisations dans des actions liées au développement durable. Elle rappelle le rôle essentiel des citoyens et des collectivités locales dans la transition écologique :
Aujourd’hui le global fait tant bien que mal son œuvre. En revanche, les citoyens et les collectivités locales ont compris l'importance de la transition et la portent, grâce à l'encadrement des lois au niveau national, mais aussi grâce à une volonté politique de la plupart des maires.
Bettina Laville, présidente fondatrice du Comité 21
Se rassembler pour trouver des solutions face à des enjeux environnementaux - Jean Verger
Jean Verger est îlien, ancien directeur de l'IUT et de Lorient, et ancien président du Conseil de développement du pays de Lorient. Il est désormais administrateur AR NEVEZ et co-président de la commission territoriale. Intervenant au sommet Climate Chance dans un atelier proposé par le collectif Osons les territoires !, il est venu rappeler que les citoyens et les collectivités territoriales sont les premiers pourvoyeurs de solutions concrètes face au changement climatique. Pour trouver des solutions face à des enjeux communs, certains territoires se rassemblent. C'est le cas de l'association des îles du Ponant, une alliance de 15 iles qui représente plus de 16 000 habitants.
Les îles ont des spécificités qui nous obligent à s'intéresser au développement durable, l'eau, l'énergie. Soit on le fait tout seul, mais ça ne marchera jamais, soit on essaye de se mettre ensemble. A chaque fois qu'il y a un territoire îlien qui se concentre sur un projet, on le partage.
Jean Verger, îlien, administrateur AR NEVEZ et co-président de la commission territoriale
Des territoires qui planchent sur un écosystème fondé sur l'hydrogène renouvelable - Daniel Baron
L'Alliance Inter-métropolitaine Loire Bretagne (AILB) est un autre exemple d'association de territoires qui partagent certaines spécificités. Entre Rennes, Nantes et Angers, douze communautés de petites communes se réunissent pour mutualiser leurs ressources et trouver des solutions aux enjeux environnementaux qui les traversent. Daniel Baron accompagne l'AILB avec son cabinet de conseil Daniel Baron et associés, pour mettre en place des projets au service de la transition écologique. Il planche désormais sur la décarbonation de ces territoires, avec la mise en place d'un écosystème fondé sur l'hydrogène renouvelable touchant à l'industrie et les transports. Une initiative qui pourrait inspirer d'autres territoires.
Aujourd'hui, ces 15 EPCI sont prêtes pour partager ces informations avec les régions, les départements, les métropoles qui les entourent, les entreprises, les conseils de développement et les citoyens. On va faire feu de tout bois pour partager cette pré-faisabilité.
Daniel Baron, président du cabinet Daniel Baron et associés