Au mois de janvier, la mairie de Lyon a décidé qu'à la rentrée des vacances d’hiver, les enfants des écoles primaires de la ville se verraient proposer à la cantine un repas unique sans viande. Même si le maire écologiste Grégory Doucet a spécifié qu’il s’agissait d’une mesure liée aux difficultés, dues au contexte sanitaire actuel, de proposer plusieurs alternatives alimentaires dans les cantines, cette décision a suscité de fortes réactions politiques, en allant jusqu’au ministère de l’Intérieur et de l’agriculture. Les deux ministres se sont exprimés en dénonçant un choix « idéologique » derrière cette décision, et ont mis en garde contre des supposées carences nutritionnelles d’un tel menu pour les enfants. Mais quel est l'avis de la science ?
Replacer le débat sur le plan scientifique
Benjamin Allès, chercheur en épidémiologie nutritionnelle rattaché à l’INRAE, explique qu’en vrai, plusieurs institutions de santé ont déjà recommandé de limiter la consommation de viande chez la population générale et chez les enfants aussi: “Le Haut Conseil de Santé publique préconise déjà de ne plus donner de la viande obligatoirement à tous les repas pour les enfants. Il faut replacer le débat dans le contexte de santé publique et non un contexte purement politique. A travers cette mesure, les enfants n’auront plus accès à la viande sur un repas mais on sait très bien que les enfants vont consommer d’autres produits animaux et de la viande en dehors des repas”.
L'enjeu de l'éducation nutritionnelle
Pourtant, l’idée de proposer des repas végétariens dans les cantines scolaires n’est pas nouvelle en Europe. De telles initiatives sont déjà très courantes, par exemple dans les pays nordiques. La raison est aussi culturelle, car la viande dans les pays scandinaves a un ancrage beaucoup moins important que dans les pays de l'Europe du Sud. Toutefois, la sensibilité vers une alimentation plus durable est en train d’évoluer même dans les pays, comme la France ou l’Espagne, où la consommation de viande est aussi une habitude culturelle. De plus, au cours des dernières années en France, des recommandations nutritionnelles pas forcément à jour semblaient presque inciter à consommer de la viande chez la population générale. Benjamin Allès estime que ces habitudes ont en train d’évoluer, “au fur et à mesure que la science évolue et que l’on se rend compte aussi de l’impact environnemental que peut avoir notre alimentation”. En effet, le bureau européen de l’OMS est en train d'intégrer la notion d’alimentation durable dans ses travaux.
Au-delà des repas scolaires et de l’éducation nutritionnelle chez les enfants, Allès envisage d’éduquer les enfants à la cuisine dès le plus jeune âge, afin de leur apprendre un savoir-faire et de favoriser l’accès aux produits frais et locaux. “Encore une fois, le vrai enjeu aujourd’hui n’est pas sur maintenir de la viande dans les cantines, mais plutôt favoriser un accès aux fruits et légumes frais dans les cantines”.
La crise sanitaire a mis a nu le lien étroit entre la santé des humains, de la planète et des animaux. Selon les spécialistes, la pandémie sera peut-être l’occasion de revoir notre alimentation et d’établir un rapport plus durable avec la nature, plus respectueux de nos ressources et des animaux.