En Europe, quelque 24 millions de personnes travaillent par le biais d'une plateforme numérique, typiquement pour des services de livraison de repas tels que Just Eat, Deliveroo, etc. Mais si l’on s’intéresse à savoir combien de femmes travaillent en tant que coursières, il est très compliqué de trouver des chiffres. Ce qui est toutefois évident à constater, c’est qu’il s’agit d’un secteur majoritairement masculin. S'agissant d’un métier sportif, des stéréotypes sur la performance pèsent sur les femmes livreuses, obligées de montrer qu’elles sont tout à fait à la hauteur de leurs collègues hommes, comme le témoigne Paola, coursière chez Naofood, une plateforme nantaise de livraison de repas : “Les restaurateurs peuvent me faire des remarques, comme par exemple me dire ‘attention, c’est lourd’ pour une commande avec juste des burgers, comme si j’étais fragile parce que je suis une femme”.
Coursier au féminin : témoignages d’un secteur encore trop masculin
Elsa, collègue de Paola, ajoute que rentrer dans un milieu professionnel fortement masculin demande à une femme plus d’énergie : “T’as plus de choses à prouver. Tu pars un petit peu de derrière pour dire que tu arrives à tenir le coup, et pour le prouver il faut que tu en fasses un peu plus”.
Des inégalités à l’embauche
Qui plus est, il existe une enquête de 2018, réalisée en collaboration avec la Fondation des Femmes, sur le traitement des candidatures pour des emplois fortement masculins, dont celui de chauffeur-livreur. Ce testing a révélé que pour une femme les chances d’être embauchée en tant que chauffeuse-livreuse sont réduites de 35%, soit d’un tiers. Anaë Perez-Ainciart est avocate spécialiste en droit du travail et droit pénal, et également avocate bénévole de la force juridique de la Fondation des femmes. Elle explique comment les employeurs et les femmes peuvent rendre ce secteur moins discriminatoire à l'égard des femmes : “Une grande sensibilisation de ce secteur est nécessaire, pour alerter [les employeurs] sur le fait que, consciemment ou inconsciemment, ils reproduisent des stéréotypes, puisqu’ils ont spontanément tendance à recruter des travailleurs masculins. Donc des discriminations en raison du sexe sont constatées au niveau de l’embauche. Et je pense que les femmes aussi doivent s’emparer des droits et des outils à leur disposition, notamment se tourner vers le Défenseur des droits et ne pas hésiter à écrire aux recruteurs pour leur demander les raisons pour lesquelles leur CV n’est pas retenu.”
Comment dépasser les stéréotypes de genre
Et au-delà des actions juridiques qu’il est possible d’entamer pour lutter contre les inégalités, Elsa pense qu’il faut “rendre visibles les femmes coursières, parce que c’est intimidant de rentrer dans un milieu qui n’est qu’un milieu d’hommes, ça prend plus d’énergie”. Et Paola rebondit en disant qu’il est nécessaire d’encourager davantage des femmes à être coursières : “on peut empêcher les femmes à aller vers des métiers [comme celui de coursier] soi disant parce qu’on se met en danger, alors il faut qu’il y ait plus de femmes pour qu’on se sente moins en danger”
Le plus grand enjeu, c’est alors, encore une fois, l’éducation. Seul un vrai changement de mentalité permettra d’un côté, que les hommes dépassent certains stéréotypes de genre et, de l’autre, pour que les femmes se sentent plus en sécurité à postuler même pour des emplois considérés comme masculins.
Crédit photos : Paola Bonami