Combien de dates peuvent se targuer d’être devenues des expressions ? Combien de jours dans un calendrier marquent pour toujours une nation ? Que son présage d’alors soit ou non vérifié, c’est la fin du "plafond de verre" qui était annoncé. Et si, des 21 avril, toute l’Europe ou presque en a depuis connu ; aucun pays n’a choisi le grand saut dans l’inconnu. La colère gronde, s’éteint, jamais au paroxysme. Mais au fait, d’où ça vient le populisme ?
Formé sur le latin "populus", pour "peuple", les termes "populistes" et "populisme" recoupent des notions vastes, parfois à l’appréciation du locuteur, et qui évoluent avec le temps. En français, ils apparaissent dans le Larousse assez récemment, en 1912, et renvoient alors à des mouvements socio-politiques russes, comme le mouvement Narodniki.
L’idéal du populisme est la restauration d’une communauté perdue, qu’elle soit réelle ou supposée. Spoiler : en général, elle est supposée. Le terme est en effet assez péjoratif. Il prend son sens français récent en 1975 avec l’essayiste François Duprat, qui l’utilise pour moquer je cite, cette supposée "droite nationale, sociale et populaire" prônée par le Front national. Le politologue français Stéphane François, quant à lui, considère le populisme comme une démagogie : nourrir les méfiances, dégainer des promesses irréalisables, attaquer ses opposants, plutôt que défendre ses idées.
Avec des définitions si vagues, pas étonnant que le populisme soit affilié à tant de partis et de mouvements : du parti populaire danois de Mogens Glistrup à la liste Pim Fortuyn aux Pays-Bas, en passant par la Ligue du Nord italienne, l’Alternative für Deutschland et bien sûr Donald Trump. À noter que Bernie Sanders, son principal opposant lors de l'élection de 2016 est également considéré comme relevant d’une sorte de populisme de gauche.
Une tendance peu courante en Europe, où le Conseil européen des relations étrangères a établi une typologie des partis populistes, tous ou presque de droite dure, nationalistes et anti-européens. En vingt ans à peine, le fameux "plafond de verre" supposé éloigner les candidats populistes des plus hautes fonctions n’a cessé de s’amincir. Et pour cause, d’après de nombreux philosophes, comme Catherine Colliot-Thélène, Christophe Guilluy ou l’italien Diego Fusaro, le populisme se nourrirait des inégalités et du sentiment de déconnexion profonde des peuples vis-à-vis de leurs élites, dont le seul recours vraiment efficace serait de reconstruire une véritable offre politique, populaire plutôt que populiste.