Camping-car Park affiche son ambition européenne

 Camping-car Park affiche son ambition européenne

Camping-Car Park, l’entreprise de Laurent Morice, installée à Pornic depuis 2011, ne connaît pas la crise. Spécialisée dans l’installation d’aires d’accueil pour camping-car, l’entreprise entame cette année son développement en Europe. Et se retrouve confrontée aux réglementations régionales en Espagne, Allemagne ou encore Belgique.

Laurent Morice, le secteur du tourisme en camping-car se porte bien, boosté par la crise sanitaire. Vous confirmez ? 

Tout à fait ! Nous étions sur une hausse des immatriculations en Europe de 5 % par an pour atteindre un chiffre de deux millions de camping-cars immatriculés en Europe fin 2019 début 2020, avant la crise sanitaire. Cette croissance était relativement linéaire depuis une dizaine d'années, à 5 % par an. La crise a mis un coup d'arrêt dans toutes les économies. Par contre, c'est reparti à  deux cents à l'heure pour l'activité de camping cariste et aujourd'hui, les constructeurs sont débordés de demandes. Ils ont des délais de livraison de dix-huit mois. Tout ce qu'ils avaient en stock a été vendu. On est sur des croissances de plus de 25 % en moyenne par an. 

On m'a dit que les Allemands allaient livrer trois fois plus de camping-car cette année qu'une année normale. Dans le même temps, les sociétés pour les plateformes de location de camping-car de particulier à particulier,  se sont hyper dynamisées pendant cette période-là. Ce qui fait qu'un même camping-car, au lieu d'être utilisé par ses propriétaires seulement soixante-dix nuits en moyenne par an, va être sur la route peut être cent-vingt ou cent cinquante jours par an. Donc pour notre activité d’hébergement, c'est une croissance exponentielle, un peu folle. 

Le camping-car séduit un nouveau public, plus jeune aussi ?

Le camping-car touchait un public de plus de 55 ans, c’était vraiment la maison secondaire sur le dos. Un deuxième public émergeait depuis une petite dizaine d'années avec les fourgons et les vans aménagés. Et là pour le coup, c'est la deuxième voiture, qui permet de sortir le week-end, dîner chez des amis ou de la famille, on reste à dormir, c'est la vie qui va bien. 

Avec le second véhicule, émerge vraiment, maintenant le véhicule de la maison, que l'on transforme d'une manière extrêmement sommaire en véhicule de loisir, en mettant dans le coffre les éléments qui vont bien sur le toit, comme la tente. Je transforme ma voiture de tous les jours, en une petite heure de bricolage, en un mini van qui me permet de passer un week-end ou une semaine de vacances cool et sympathique. 

Mais, n'est-ce pas un peu contradictoire quand même, ce moyen de transport individuel, dans un contexte de lutte contre le réchauffement climatique où on devrait un peu limiter nos déplacements individuels ?

Effectivement, vous abordez un sujet beaucoup plus global, qui est l'incohérence de l'être humain. Le bipède que nous connaissons bien puisque nous en faisons partie dans tous ses modes de vie.  Effectivement il vaudrait mieux se déplacer à pied ou à vélo, s’il n'est pas électrique et  mieux vaut encore rouler en voiture ou en camping-car plutôt qu’en super paquebot ou en avion. On va interdire des véhicules diesel et autoriser des gros paquebots qui utilisent des fiouls lourds, ou des avions avec du kérosène ?

On voit bien qu'on est dans une grande mutation qui va se faire mais qui va aussi sûrement nécessiter plus de temps que ce qu'on veut bien croire. Parce qu'autrement, on va vivre des incohérences et les gens ne vont pas les accepter.  Je reste convaincu que c'est l'évolution technologique, l'intelligence humaine qui va nous permettre de continuer à améliorer notre qualité de vie en termes de plaisir. C'est cette technologie là, type hydrogène qui va nous permettre de continuer à bien vivre. Et à vivre des moments de plaisir.

On comprend bien en vous écoutant Laurent Morice que le camping-car a encore de beaux jours devant lui et c'est pour ça que votre société camping-Car Park propose d'implanter des aires de services et de repos pour l'accueil des camping-cars un peu partout en France. Cette année, vous entamez un développement en Europe. Vous avez déjà commencé à installer des aires en Espagne ?

Tout à fait ! C’est un métier que nous avons totalement inventé il y a maintenant  dix ans en 2011. On sortait de la crise de 2008, et néanmoins, Corinne Bruel et moi-même, nous croyions déjà au développement de l'itinérance. Donc nous avons commencé par nous implanter dans nos régions respectives, puis sur toute la France, pour créer un vrai réseau.

Nous répondons aux attentes de nos clients qui sont 530 000 aujourd'hui en Europe, dont 40 % ne sont pas des français. Ils sont essentiellement allemands, néerlandais, belges, anglais - même s'ils sont maintenant hors de l'Europe - espagnols, italiens. 40 % d'Européens de notre réseau, nous sollicitent, pour développer des aires de camping-car chez eux.

Premier pays européen en termes de nombre de cartes grises de camping-car, l'Allemagne et les camping caristes allemands sont contraints et forcés d'aller dans des campings et seulement quand ils sont ouverts. En France en ce moment, chaque nuit, 3 500 camping-cars stationnent sur notre réseau, alors même que la majorité des campings sont déjà fermés.

Nous permettons à cette nouvelle forme de tourisme de vivre 365 jours par an. Et pour se faire, il faut des aires automatisées. Nous étendons ce savoir-faire à l'Europe où ces clients-là sont très demandeurs. Nous ouvrons les premières aires en Belgique, en Espagne et au Portugal, avant la fin de cette année et on peut donc déjà imaginer qu’à l'horizon 2023 - 2024, toute l'Europe de l'Ouest sera praticable dans ce réseau, avec tout le confort qu'on sait apporter à nos clients.

Dans les pays que vous avez cités, est ce que c'est aussi simple de s’installer qu’en France ? Ou est-ce que vous devez vous adapter un peu plus par pays ?

Question très judicieuse car ce sujet de l'Europe est un vrai sujet d'actualité. En fait, quand nous avons développé Camping-Car Park en France, c'était relativement simple, parce que nous avions les mêmes règles administratives partout en France. Avantage ou inconvénient, on peut en discuter mais en tout état de cause pour créer une entreprise, c'est plus facile.

Quand vous abordez des pays comme l'Espagne, l'Allemagne ou la Belgique, ça demande un travail, sur le plan juridique et administratif, extrêmement lourd parce que chaque région a ses règles. Et quand nous avons des doutes ou besoin de compléments d'informations, nous allons chercher auprès d'avocats spécialisés en droit public, pays par pays ou région par région, les compléments d'informations qui peuvent être indispensables à la rédaction du contrat.

Le camping cariste, quelle que soit sa nationalité, lui, il a envie de circuler, voyager, découvrir et il se moque des frontières et des règles administratives. Il faut reconnaître que dans ce type de développement, nos règles républicaines françaises globales sur tout l’ensemble du territoire, rend la vie de l'entreprise beaucoup plus facile.

Ça pourrait être un frein dans votre développement européen ces réglementations spécifiques par région ?

Effectivement, pour vous donner un ordre d'idée, le premier rendez-vous que j'ai effectué en Wallonie date maintenant d'au moins cinq ans. Et l'aboutissement de l'ouverture de l'aire va être ce mois d'octobre ou novembre, soit cinq ans de démarches commerciales. Il faut avoir, ce qu'on appelle, les reins solides, une entreprise hyper structurée, saine  économiquement parlant et financièrement parlant, pour aborder un développement européen de ce genre.

C’est autant de difficultés d'accueil à surmonter que de régions à vouloir desservir. Moi je rêverais vraiment de règles standard en Europe garantissant aussi bien, les citoyens européens en termes de préservation des droits, que les chefs d'entreprise en termes de développement.

Comment envisagez-vous la suite de votre développement ?

Nous prévoyons d’ouvrir entre 20 et 30 destinations hors de nos frontières en 2022. Sur le plan administratif, on est encore à ce jour dans l'expérimentation et je pense qu'il nous faudra sûrement encore une bonne année pour arriver, région par région de chacun des pays concernés, à avoir quelque chose qui sera peut être pas forcément une certitude, mais qui se rapproche de la vérité.

Aujourd'hui, les règles et la définition d'une aire de camping-car n'existent pas, ni en France ni en Europe. Donc on part de loin. Les attentes des consommateurs et leurs usages sont allés beaucoup plus vite, pour une fois, que les réglementations, et on défriche à chaque fois les dossiers. Mais c'est magique en même temps. Là, on est vraiment dans la construction. Quelle chance vous imaginez ? On peut encore aménager des territoires à l'échelle européenne, c'est quand même assez fantastique !