Selon une étude du CESE, le Conseil économique social et environnemental, il existe aujourd’hui « plus de 100 organisations anti-droits humains, anti-droits des femmes et anti-LGBTQI +, implantées dans plus de 30 pays européens ».
Véronique Séhier, membre et ancienne co-présidente du Planning familial jusqu'en 2020, préside la délégation droit des femmes et égalité du CESE. Elle a été la rapporteure de cette étude d'ampleur intitulée «Droits sexuels et reproductifs en Europe : entre menaces et progrès».
Elle revient pour Euradio sur l'émergence et les stratégies d'influence de ces mouvements anti-choix puissants et structurés.
Quels sont ces mouvements anti-choix aujourd'hui en Europe ?
Véronique Séhier : Ce sont des mouvements que l’on connaît en France et qui existent depuis longtemps. Je pense à des mouvements comme la Manif pour tous qui s’est beaucoup réactivée au moment de la loi pour le mariage entre personnes de même sexe et qui réunit à la fois des personnes qui sont opposées aux droits des personnes LGBTQI et qui sont aussi opposées à l'avortement et à l'éducation à la sexualité.
Leur combat c’est de considérer que la sexualité a comme but la procréation et le retour à un ordre naturel qui régirait ou qui déterminerait un rapport entre les femmes et les hommes. Sachant que ces rapports sont naturels et que dans le naturel il y a la domination de l'homme. C'est à l'homme, en caricaturant un peu, de ramener de l'argent à la maison et à la femme de procréer.
On se rend compte que c’est clairement une organisation bien rodée à l’échelle européenne et qui a eu des connexions avec les Etats-Unis et des moyens pour s'implanter en Europe et influencer des politiques européennes.
On sait qu’en Pologne ce sont ces mouvements qui sont à l’oeuvre pour faire régresser le droit à l’avortement qui était déjà très limité.
Est-ce que tous ces mouvements sont liés à des religions ?
Il y a derrière ces mouvements à la fois des religions et notamment la religion catholique qui est clairement à la manœuvre. On a des mouvements au-delà du catholicisme avec d'autres religions qui se rapprochent là-dessus et des mouvements d'extrême droite. Ce sont tous ces mouvements qui luttent contre la théorie du genre et qui veulent vraiment que les femmes restent à leur place de procréatrice et qui se battent pour une famille traditionnelle avec un papa une maman et des enfants .
Ils sont organisés au sein d'un grand mouvement qui s'appelle Agenda Europe. Ils se réunissent régulièrement au sein d'un congrès des familles et ils ont derrière eux des soutiens politiques, des Etats comme la Pologne et la Hongrie mais ils essaient aussi d'influencer des politiques en Roumanie.
Ils sont en train d'agir dans différents pays pour que les législations sur l'avortement soient de plus en plus restrictives ou pour que l'on dérembourse l'avortement. Ils combattent vraiment l'égalité entre les femmes et les hommes, ils combattent les droits des femmes et l'émancipation des femmes.
Dans la suite de l'entretien, Véronique Séhier détaille les stratégies d'influence et de communication de ces mouvements anti-choix ainsi que les soutiens financiers qu'ils reçoivent.