L’Accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni a finalement été trouvé le 24 décembre dernier. Un accord principalement économique mais fondamental pour éviter un Brexit dur sans réglementation. Pauline Schnapper, vous êtes professeure de civilisation britannique contemporaine à la Sorbonne Nouvelle de Paris, quels sont les points fondamentaux de ce deal?
C’est un accord qui acte la sortie du Royaume Uni non seulement de l’UE, mais surtout du marché unique et de l’Union Douanière qui représente l’UE. L’accord concerne essentiellement la circulation des marchandises, qui n’auront pas de tarif douanier et sans quotas. Donc, c’est un accord minimal, parce qu’il laisse de côté énormément de choses: l’UK doit suivre les réglementations européennes environnementales et sociales pour continuer à commercer avec l’UE, et puis cet accord ne concerne pas les services, qui représentent 80% de l'économie britannique; il ne concerne pas non plus tout ce qui relève de la politique étrangère, de la sécurité et la défense; et il ne permet la liberté de circulation, donc il faut d’un permis pour s’installer là.
Cet accord n’a fait qu'accroître les tensions entre Londres et Edimbourg, qui plaidait pour que l’Ecosse dispose des droit particulier qui lui permettraient de rester dans le marché unique, idée empêchée par Londres.
En fait, le Royaume Uni est composé de nations constitutives. Pouvez-vous nous décrire cette situation de départ ?
L'Ecosse, les Pays du galles et l’Irlande du Nord disposent d’un statut particulier au sein du Royaume Uni depuis 20 ans (1998). Ils ont des assemblées régionales, qui ont un certain pouvoir, mais toujours soumises au parlement de Westminster. En Ecosse il y a un mouvement indépendantiste au pouvoir depuis 2007.
Au Pays du Galles le parti indépendantiste est beaucoup plus faible, parce qu’il s’agit d’une région plus intégrée économiquement avec l’Angleterre. Donc, le vrai problème se pose en Ecosse, où le résultat du référendum de 2016 a été contre le Brexit.
L'Écosse avait déjà tenu un référendum pour l'indépendance en 2014, gagné par les Unionistes avec 55 % des préférences, mais le Brexit a enflammé les esprits et à ce propos, les élections de mai 2021 en Écosse seront cruciales. Si les indépendantistes gagnent, quelles seront les étapes institutionnelles pour arriver à un nouveau vote sur l'indépendance?
Le point crucial c’est qu’il faut avoir l'approbation du gouvernement central et Boris Johnson refuse maintenant. Il y a le risque d’une vraie crise institutionnelle comme en Catalogne. La grande différence c’est que les Ecossais ne veulent pas organiser de référendum illégal, comme en Espagne. Moi, je pense que si la pression est forte, le gouvernement de Londres finira par céder.
Ces nouvelles mesures vont rapprocher les deux Irlandes. Situation similaire entre l’Espagne et Gibraltar. Pourquoi?
La situation de l’Irlande du Nord est particulière pour des raisons liées à la question de la frontière entre le nord et le sud, qui devait rester ouverte. L’accord prévoit que la frontière soit poussée vers la mer d’Irlande. Donc, l'Irlande du Nord reste dans le marché unique.
Quant à Gibraltar la c’est encore une situation très particulière: il s’agit d’un rocher avec une population minime qui est contesté par l’Espagne et qui avait voté contre le Brexit. Un accord a été trouvé à la dernière minute entre les espagnols et les britanniques qui permet de tenir ouverte la frontière, utile surtout pour les espagnols.
Pensez-vous que d’autres pays dans le Continent comme l’Espagne, la Pologne ou l’Italie vont remplir le vide laissé par le Royaume Uni dans l’UE?
C’est difficile à dire. Pour l’instant, c’est surtout le couple franco-allemand qui a pris l’initiative sur le Programme de Relance lié à la crise sanitaire. On verra en tout cas s’il y aura quelques autres pays qui prendront la place du Royaume Uni, mais c’est trop tôt pour le dire.