“La démocratie à Malte se dégrade sérieusement. N’oubliez pas que c’est un pays où une journaliste a été tuée”. Voilà le constat de Manuel Delia, journaliste et activiste à Malte, qui se réfère à Daphne Caruana Galizia, une journaliste maltaise assassinée en octobre 2017 parce qu'elle dénonçait ouvertement sur son blog les scandales financiers et la corruption autour du gouvernement de Joseph Muscat.
À Malte, la démocratie en danger
Cet épisode a levé le voile sur le fragile état de la liberté d’expression à Malte, mise constamment en péril. Manuel Delia raconte que les journalistes maltais font souvent l’objet de poursuites judiciaires visant à les faire taire, “et le gouvernement refuse de protéger les journalistes”, ajoute-t-il. Qui plus est, “les parties politiques à Malte possèdent deux chaînes de télévisions sur trois, et la troisième est de propriété de l'État et contrôlée par le parti au gouvernement. Donc on ne reçoit pas d’informations objectives ou critiques sur les faits qui concernent les politiques”.
Après la liberté d’expression, la liberté d’association compromise à Malte
Après le meurtre de Caruana Galizia, des citoyens et citoyennes dont Manuel Delia ont décidé de se réunir pour défendre la liberté d’expression. Leur détermination les a conduit à créer Repubblika, une association en première ligne pour la défense des droits civils et de la démocratie à Malte.
Mais aujourd’hui, Repubblika est menacée. L’association a reçu une lettre du Commissaire pour les organisations volontaires remettant en question le droit d’existence de Repubblika en tant qu’organisation non gouvernementale. "Il est clair que la raison de notre élimination est notre opinion. Et notre opinion, c’est une campagne de sensibilisation pour une bonne conduite politique et contre la corruption”, remarque Manuel Delia. Sur le plan technique, le Commissaire ayant envoyé la lettre à Repubblika agit indépendamment du gouvernement, “mais pour nous, c’était impossible de faire une distinction entre le commissaire et le gouvernement”, d’autant plus que le gouvernement et le premier ministre Robert Abela ne se sont pas dissociés de ces actions, malgré les sollicitations de Repubblika.
Le rôle du Parlement européen pour la défense de la démocratie maltaise
Après avoir répondu à ces attaques, Repubblika s’est aussi adressée, dans une lettre ouverte, au Parlement européen, qui avait déjà répondu présent dans le passé. Quand les enquêtes de Caruana Galizia ont dévoilé la corruption du gouvernement maltais, le Parlement européen avait en effet envoyé des délégations qui avaient réussi à mettre la pression sur le Premier ministre Joseph Muscat, ensuite obligé de démissionner. En outre, “le Parlement européen peut aussi faire mobiliser la Commission européenne, qui a les outils pour entamer des actions judiciaires”, comme l’explique Manuel Delia. L’espoir, c’est donc que la Commission européenne aussi puisse montrer son engagement en faveur du respect de l’état de droit à Malte. Cet exemple de Malte nous montre que la démocratie n'est jamais acquise définitivement et que l'engagement citoyen est primordial pour défendre la liberté d'expression et les droits civils.
Crédit photo : Manuel Delia