L’Italie a décidé il y a une semaine de réduire le nombre de ses parlementaires. Invités à s’exprimer par référendum, les Italiens ont donné leur accord à une large majorité pour baisser de 945 à 600 le nombre de membres du parlement, députés et sénateurs. On a interprété le résultat de ce référendum et ses conséquences, avec Marco Improta, doctorant italien à l’université LUISS de Rome, aussi membre du Centre Italien Etudes électorales.
Bonjour Marco, on a vu que le “Oui” a gagné. Pourtant dans le passé en 2016, Matteo Renzi, qui semblait avoir le soutien nécessaire, a échoué dans cette réforme. Alors, comment les italiens sont arrivés au référendum ? Quels ont été les arguments des partis et de la société ? Ceux qui étaient pour et les contre?
"La diminution du nombre de parlementaires en Italie a toujours été une question très présente et très débattue dans l'agenda parlementaire italien, même dans les législatures moins récentes, comme dans les années 1960.
Ce n'est donc pas un débat récent, mais il a fait un retour en force dans le dernier mandat, et qui est le résultat d'un plan de réforme déjà planifié par le premier gouvernement Conte, formé par la Ligue et le Mouvement 5 étoiles. Avec la naissance du deuxième gouvernement Conte, les deux principaux partis de coalition, à savoir le Parti Démocrate et le Mouvement 5 étoiles, ont décidé de poursuivre sur cette voie et de poursuivre le projet de réforme. Le référendum voté les 20 et 21 septembre n'est pas le premier référendum constitutionnel : il y a déjà 4 ans, en 2016, les Italiens étaient appelés à s'exprimer sur le référendum “Renzi-Boschi”, et dans ce cas la réforme a été rejetée.
C'est donc, et c'est un fait intéressant, la première réforme institutionnelle qui a été approuvée par l'électorat italien lors du référendum ; les précédents avaient tous été rejetés.
Un autre élément intéressant est qu'il n'y a pas eu de polarisation politique : en fait, la plupart des partis se sont rangés du côté du oui, certains partis avec conviction, d'autres beaucoup moins.
Mais, la principale motivation qui a poussé de nombreux partis qui se sont alignés pour le Oui, concernait essentiellement deux éléments fondamentaux : le premier élément a été principalement poussé par le Mouvement 5 étoiles, et concerne la nécessité de réduire les coûts de la politique institutionnelle ; le deuxième élément concerne la plus grande efficacité que l'action du parlementaire peut avoir, dans une assemblée avec un nombre plus restreint de parlementaires.
Du côté du Non, la plupart des petits partis se sont alignés : au Parlement il y a Gauche Italienne et Plus d’Europe, tandis qu'en dehors du Parlement il y a Action de Carlo Calenda. Tous les 3 ont fait campagne pour le Non, en se concentrant sur les conséquences négatives en termes de représentativité que la réduction pourrait entraîner.
Ce que nous voyons des analyses électorales menées par le CISE (Centre italien d'études électorales), c'est que le “Oui” a gagné de beaucoup, mais une division, un clivage, entre les électeurs du centre-ville et ceux de la banlieue s’est produit : les données en fait nous montrent que le Non a gagné dans les grands centres de villes comme Rome et Milan, alors que le Oui l'a emporté dans les domaines de force du Mouvement 5 étoiles et dans les régions à chômage plus élevé.
Le fait intéressant est que le taux de participation électorale, était plus élevé dans les territoires bénéficiant de la coupe : je me réfère en particulier au Trentin-Haut-Adige et à la Vallée d'Aoste, tandis que dans les territoires qui perdent leur représentation comme la Sicile et la Sardaigne, le taux de participation était très faible. Il y a donc cette différenciation également en termes de participation au vote.
N’oublions pas que les italien ont aussi voté aux niveau régional, où la Ligue de Matteo Salvini a dû revoir ses ambitions à la baisse. Ces deux événements sont ils-liés ?
Le résultat du référendum à court terme est certainement celui de renforcer et de produire des effets positifs sur la vie du gouvernement et sur les forces politiques qui le composent. Cela renforce certainement le Mouvement 5 étoiles qui, malgré des résultats pas exactement satisfaisants aux élections régionales, peut utiliser la victoire au référendum comme un signe de vie, tant pour le Mouvement que pour le projet de réforme, dont on se souvient qu'il est dirigé par leur secrétaire d’état Riccardo Fraccaro.
En effet, il y a évidemment des devoirs de nature institutionnelle qui découlent de ce vote : par exemple, la loi électorale, la modification des règlements de la Chambre des députés et du Sénat de la République, mais aussi la refonte des collèges territoriaux viennent à l'esprit.
Précisément à la lumière de la réduction du nombre de parlementaires, ce que l'on attend en Italie, c'est que le gouvernement puisse durer plus longtemps que les prévisions du début du mois et pourrait même atteindre 2022, date fondamentale pour la législature italienne car l'élection du Président de la République aura lieu cet année là.
Cependant, pour bien comprendre les conséquences à court terme, il est nécessaire de combiner les données référendaires avec les données sur les élections régionales : des nominations électorales différentes mais que leur simultanéité nous oblige à considérer ensemble.
De ce point de vue, le vainqueur unanime, à mon avis, du contentieux électoral est le Parti démocrate de Nicola Zingaretti : son parti a substantiellement empêché la ligue de Salvini de gagner dans des régions décisives pour la vie du gouvernement, une avant tout la Toscane, mais aussi dans les Pouilles, où au départ les sondages donnaient un tête à tête entre Emiliano et Fitto.
En revanche, les forces de l'opposition ne peuvent pas, à mon avis, témoigner d'une victoire au référendum, même si elles ont voté pour le Oui, car c'est un oui qui prolonge la vie du gouvernement et par conséquent prolonge leur position en termes d'opposition parlementaire."
Quand on parle de réformes, je pense immédiatement à la loi électorale, un thème récurrent à chaque législature. Si cette loi est modifiée, comment ça va changer les équilibres?
"Le projet de loi électorale qui est en discussion aujourd'hui au Parlement concerne une loi substantiellement proportionnelle : cette loi électorale, unie à la coupe des parlementaires, n'offre absolument pas au pays la solution à ses problèmes d'efficacité politique et administrative. L'Italie, par conséquent, avec une loi électorale proportionnelle et la réduction des parlementaires et les autres réformes à venir, continuera à mon avis à avoir des gouvernements de coalition post-électorale plutôt que pré-électoraux et continuera probablement d'avoir des gouvernements instables. Avec la loi électorale, les autres réformes actuellement en cours en Italie concernent avant tout le dépassement du bicaméralisme parfait qui, si l'on veut, est l'une des différences majeures dans l'aspect parlementaire qui existent entre l'Italie et la France : le parlement français et le parlement italien sont ainsi bicaméraux. En France, l'Assemblée nationale et le Sénat remplissent des fonctions différentes, ont des pouvoirs différents et ont également une durée différente, ce qui ne se produit pas en Italie.
Si l'on regarde le pouvoir de confiance, par exemple, seule l'Assemblée nationale a une relation fiduciaire avec le gouvernement. En outre, l'Assemblée nationale est également élue directement par les citoyens, tandis que le Sénat est élu par les grands électeurs, par les maires, par les conseillers municipaux et par les députés de l'Assemblée nationale eux-mêmes. Donc aussi d'un point de vue comparatif, si nous voulons faire une comparaison sur le nombre de parlementaires entre l'Italie et la France, il faut prendre en considération à la fois la Chambre des députés et le Sénat de la République et les comparer avec la seule Assemblée nationale."
Vous avez mentionné la France, où Emmanuel Macron avait aussi plaidé pour une baisse de 25 à 30 % du nombre de députés, mais quelle est la situation dans les autres pays européens? Est-ce que l’Italie est le seul pays à aller dans cette direction?
Pour la première fois, l'Italie pourrait être le précurseur d'un processus de réforme. Dans les autres systèmes politiques, nous pouvons nous souvenir de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne, qui ont des réformes en cours visant à réduire le nombre de parlementaires, quoique dans une moindre mesure qu'en Italie. Plus précisément, la Chambre des communes anglaise serait réduite, mais légèrement : de 650 à 600 députés.
L'objectif allemand est au contraire plus progressif : à Berlin, l'intention est de réduire de 40 sièges parlementaires tous les 4 ans, jusqu'à atteindre le quota de 598 députés.