Depuis le 10 mars, le théâtre Graslin de Nantes est occupé par les travailleurs et les travailleuses du spectacle, tout comme une centaine d’autres théâtres en France. Le but des occupations est d’obtenir un vrai soutien au monde de la culture, à l’arrêt depuis désormais un an. Au-delà de la réouverture des espaces artistiques avec le public, les occupant.es exigent une réforme de l’assurance chômage et la garantie des droits sociaux pour tous et toutes les salarié.es à l’emploi discontinu, comme les artistes et les auteur.es. Kristine Moerel, comédienne et occupante à Graslin, explique les revendications du mouvement : “ce qu’on revendique surtout est un plan de repris pour nous permettre à tous et toutes de travailler, de retravailler. Parce que, s’il y a une réouverture des salles la semaine prochaine, qui va en bénéficier ? Les grosses structures qui sont déjà dans des réseaux de diffusion ? Et les petites compagnies et les artistes indépendant.es, qu’est-ce qu’ils font pendant ce temps-là ?”
Occupés en France, rouverts à Berlin : les théâtres européens réagissent à la crise
Pendant ce temps-là à Berlin, le projet pilote Pilotprojekt Testing teste - dans le vrai sens du terme - la réouverture des salles de spectacle. En réservant leur billet, les spectateurs réservent aussi un créneau pour se faire tester le matin même de la représentation, puisque le résultat négatif est ensuite exigé pour accéder à la salle. Le projet est soutenu par le maire adjoint à la culture et à l’Europe de Berlin, Klaus Lederer, et associe plusieurs lieux culturels de la capitale, dont le Berliner Ensemble. Ce prestigieux théâtre berlinois rendu célèbre par la direction artistique de Bertolt Brecht et de sa femme Helene Weigel a enregistré un vrai succès lors des deux premières soirées de réouverture, comme le constate le directeur artistique Oliver Reese : “Les deux représentations se sont très bien passées. Les 700 billets disponibles en prévente ont été vendus en 4 minutes. Les spectateurs étaient ravis d’être là, et les comédiens étaient heureux d’avoir pu jouer au moins pour deux soirées d’affilée.”
Toutefois, Oliver Reese fait écho au propos de Kristine Moerel, en affirmant que la réouverture est certes nécessaire mais pas suffisante pour relancer l’industrie culturelle : “j’insiste toujours sur le fait qu’il doit y avoir des perspectives de réouverture, que sans une gestion réglementée des théâtres, le monde du spectacle vivant devra subir de lourdes conséquences sur le long terme. C’est pourquoi je peux tout à fait comprendre le mouvement de protestation en France.”
De plus, partager un moment autour de l’art et du spectacle vivant permet de prendre soin de sa santé mentale, mise à rude épreuve en ce temps de pandémie, comme le conclut Oliver Reese : On vit sous pression, on a peur, on a beaucoup de questions sans réponse. Je suis tout à fait persuadé que l’art et l’expérience collective de l’art dans les salles de concert, dans les cinémas, dans les théâtres, aide à mieux traverser cette pandémie, dans des lieux sûrs et grâce à ce sentiment de communauté.”
Les résultats du Pilotprojekt seront mis à disposition à niveau national et international, dans l’espoir que les gouvernements nationaux des pays européens ainsi que les institutions de l’UE les prennent en considération. L’occasion, peut-être, de mettre à point un vrai plan de reprise commun pour le secteur culturel en Europe.