Ce jeudi, nous célébrons la Journée internationale des filles et des femmes de sciences. Cette journée a pour but d’encourager la participation des femmes et l’orientation des filles dans des filières scientifiques et de lutter contre le poids des stéréotypes de genre.
Anne Boyé, mathématicienne au Centre François Viète de Nantes, préside l’association Femmes et Mathématiques qui œuvre pour la représentation des femmes dans les filières mathématiques et scientifiques.
Pouvez-vous nous présenter l’association Femmes et Mathématiques ? Pourquoi a-t-elle été créée ?
Anne Boyé - L'association a été créée en 1987 parce qu'on faisait le constat de la disproportion du nombre de femme en mathématiques. C'était le moment où venait de s'instaurer à grande échelle la mixité et on s’apercevait que c'était catastrophique pour les filles du côté des écoles normales supérieures et de l'agrégation. Faisant ce constat, on s'est dit qu'il fallait faire quelque chose. C’était un constat mondial. En France, cette association a été créée. Nos principaux objectifs à l'époque c’était d’agir pour la promotion des femmes dans le milieu scientifique et plus spécifiquement en mathématiques, d'encourager la présence des filles dans les études mathématiques et plus généralement scientifiques et techniques et être un lieu de rencontre entre mathématiciennes et enseignantes de mathématiques.
Pour quelles raisons les femmes restent-elles sous-représentées dans les filières mathématiques et scientifiques plus généralement ?
Souvent on invoque les stéréotypes de sexes dus à l'ambiance sociale. C'est une question historique. Pendant très longtemps dans l'histoire, on a estimé que les femmes n'étaient pas capables de faire des matières abstraites et en particulier des mathématiques et cela a duré jusqu'en 1950 - 1960. Les filles n'ont accédé par exemple à des postes d'enseignantes de mathématiques à l'université que dans la deuxième partie du XXème siècle.
En 1948, une mathématicienne qui s'appelait Marie-Louise Dubreil-Jacotin disait “il y a la déclaration universelle des droits de l'homme et de la femmes. Les hommes et les femmes devraient être à égalité et maintenant enfin les femmes vont pouvoir faire des sciences à égalité avec les hommes.”
Nous sommes au XXIème siècle, la loi dit que oui effectivement tout le monde peut faire les mêmes choses à égalité mais il y a toujours le poids des stéréotypes qui est souvent inconscient.
Il faut que les filles puissent se convaincre qu'elles sont aussi capables que les garçons de faire des sciences et en particulier des mathématiques et qu'elles ne se sous-estiment pas. Il y a beaucoup de travail à faire dans l'enseignement maternel, primaire mais surtout secondaire car c'est là que les choix d'études vont se faire. C'est là que nous essayons d'œuvrer envers les élèves et les enseignants et enseignantes.
La France avec 28% de femmes chercheuses se situe même en dessous de la moyenne européenne. Pourquoi ?
La France est un pays très centralisateur et qui est, sur le plan des sciences et des mathématiques, formaté sur le système des grandes écoles. C'est très particulier à la France. Depuis la Révolution française, la méritocratie a été basée sur le système concours grandes écoles. Cela n'existe pas dans d'autres pays.
Lorsque l'association a été créée il s'est passé une chose qui était très représentative de ce qu'il se passe en France. Jusqu'à ces années-là, il y avait les écoles normales pour les filles et des écoles normales supérieures pour les garçons. En 1985, elles ont été réunies et il y a eu une chute brutale de la réussite à ce moment- là car les critères qui ont été adoptés était ceux des écoles normales supérieures de garçons et les filles devaient se plier à cela. Le système grandes écoles est très pernicieux parce que se joue là la menace du stéréotype, cela se joue dans tous les pays évidemment mais ça se voit plus quand il y a ce système de concours.